C’est notre enfant, nourrie de notre peine, faite de nos joies et de nos soucis, devenue maintenant une jeune fille : qu’on nous pardonne si nous la voyons comme nous voudrions que fussent toutes les jeunes filles de France. Car l’amour est à la fois exigence et indulgence. Nous la voyons donc élancée, mais robuste; fine, mais résolue. Elle est saine, son regard est clair et droit. Elle est idéaliste, mais point illuminée; cultivée, mais point pédante; élégante, mais point snob, et sa seule prétention est d’être elle-même, avec son coeur et son esprit, et de se tenir aussi loin de la pensionnaire naïve que de l’affranchie mal peignée. « Plaisir de France » est jeune et entend le rester. Quinze ans : déjà un âge respectable que certaines revues n’ont point encore atteint, que d’autres n’atteindront jamais. Quinze ans : déjà une route parcourue, une route que jalonnent cent quarante-quatre couvertures multicolores frappées de notre symbolique rose de France ; une route que nous regardons un instant encore aujourd’hui avant de nous tourner vers l’avenir. Car telle est aussi notre doctrine : même en un jour d’anniversaire, il n’est bon ni pour une revue ni pour un peuple de s’attendrir sur le passé. Y puiser des forces, oui ; y prendre un élan, soit ; mais vite, ensuite, regarder en avant et marcher. Notre joyeuse pause va donc s’achever. Mais contemplons encore, avant qu’elle entre dans sa seizième année, cette adolescente bien décidée à croître en force et en beauté. Elle est et sera sans doute la seule revue parlant uniquement de ce qui est français. Nous resterons fidèles à notre programme qui est de faire mieux connaître et mieux aimer à tous les étrangers et aux Français eux-mêmes les beautés naturelles de notre pays et les créations de nos artistes. Adonnés à cette mission étroite et vaste, nous continuerons à décliner les propositions qui nous sont faites de montrer tel paysage d’Écosse, tel château scandinave, telle oeuvre d’un peintre américain. France d’abord, France seulement : ce n’est pas du chauvinisme, c’est notre raison d’être. Les étrangers l’apprécient, les Français nous y encouragent. D’autres revues suscitent l’intérêt, éveillent la curiosité. La nôtre fait naître chez ses lecteurs un sentiment. Oui, il y a entre eux et nous un lien sentimental. On le constate quand, dans une réunion, lors d’une présentation, chez un libraire même, l’un de nous se nomme ou que quelqu’un nomme a Plaisir de France ». Invariablement, on entend un : « Ah ! vous êtes… » ou « Ah ! c’est vous qui… » Réaction observée bien souvent, toujours la même. Et — fait également unique — le titre de notre revue est devenu un qualificatif, a pris la valeur d’un symbole. Quinze ans d’expression d’un idéal, d’une doctrine ont créé un climat, formé une épithète. De même qu’il y a le parfum ambré, le goût sucré, la couleur verte, il y a l’esprit Plaisir de France », qui caractérise aussi bien une maison qu’un paysage, une image concrète qu’une attitude morale. Et l’on dit que ceci ou cela esta très Plaisir de France ». Nous allons donc reprendre notre chemin en laissant d’autres publications se décerner elles-mêmes des superlatifs, bien que, cent fois, on ait dit et écrit autour de nous que « Plaisir de France » était « la plus belle revue française ». Annonçons seulement que sa qualité va faire de nouveaux progrès et qu’on aura bientôt aussi des preuves de sa vitalité accrue. La halte est finie. En route ! PLAISIR DE FRANCE.