AtkeZ ert•-• «tuf! par HENRI SAUGUET Dis qu’ont pris fin les vacances de Pâques les salles de concert parisiennes s’animent à nouveau, mais d’une façon particulière. Les grands concerts sym-phoniques ont terminé leurs exercices hebdomadaires : le cycle des symphonies de Beethoven et la revue des extraits des opéras de Wagner sont parcourus et mis en sommeil jusqu’au prochain hiver. Les virtuoses viennent de l’étranger et les vedettes internationales s’étagent sur les affiches. Mai arrive, et juin, qui vont être consacrée aux grands ébats musicaux. Cette année, plus encore que celles qui ont suivi la fin de la guerre, sont venus les grands visiteurs et ceux que nous n’avions plus eu le bonheur de revoir et de réentendre depuis les années heureuses Enesco le grand, Stokowsky, Braflowsky, Goldschmann, Schnabel, Robert Casadesus, Menuhin, Adrian Boult et l’orchestre de la B. B. C., Ituebi…, apparitions fulgurantes acclamées par les foules des grandes soirées. Cependant apparaissent parfois sur les programmes, auprès des grandes œuvres consacrées sur lesquelles se penchent volontiers ces vedettes illustres, quelques œuvres nouvelles de musiciens contemporains. Francis Poulenc, ce printemps, fut à l’honneur. Au dernier concert de la Pléiade, la chorale des émissions flamandes de la radiodiffusion belge faisait entendre la cantate pour double chœur mixte, Figure humaine, que le musicien composa pendant l’occupation sur des poésies de Paul Éluard, œuvre puissante, dramatique, émouvante, aux accents nobles, humains. Et l’Opéra-Comique montait les Mamelles de Tirésias, opéra-bouffe en deux actes sur la pièce de Guillaume Apollinaire, farce truculente, d’une verve exquise, rire de bonne humeur, à la cocasserie authentiquement musicale, qui, bien sûr souleva de la part des habitués de la salle Favart les protestations qui ne manquent pas de s’élever devant toute nouveauté ! Deux ouvrages d’un caractère fort différent et qui témoignent de la diversité des dons comme de la maîtrise d’un des musiciens d’aujourd’hui les plus notoires. Pour donner à la saison de Paris un éclat plus grand encore, le conseil municipal a organisé, avec le concours des quatre grandes associations symphoniques, une série de concerts de musique française aux programmes variés ; les noms d’Auric, Jean Rivier, Satie (avec Parade), Ibert, Delvincourt s’y rencontrent avec ceux d’autres grands musiciens français. Excellente initiative, encore qu’elle ne soit suivie que d’un public clairsemé, hélas ! Et puis on va le dimanche après-midi à Versailles, où la Société des Concerts de Versailles reprend au château ses concerts interrompus par la guerre. Ce n’est qu’une saison encore sans grand éclat, un peu hâtivement préparée. On a, avec ambition, prononcé le nom de Salzbourg français pour ces manifestations. Celui de Versailles devrait se suffise à lui-même, et il impose un ordre de grandeur que les organisateurs n’ont pas, jus-qu’ici, atteint. Mais, si l’on tient à créer en France un centre musical attractif comme l’est la ville natale de Mozart, il semble que Strasbourg le puisse facilement devenir. La Semaine J.-S. Bach qui vient d’y être, pour la première fois, organisée a connu un immense succès, encore qu’elle ait eu à souffrir de la grève des chemins de fer, malencontreusement commencée au moment même où s’ouvraient ces fêtes spirituelles. Les témoins en ont rapporté un inoubliable et émouvant souvenir. Ceux qui ne purent quitter Paris se consolèrent en allant écouter les quatuors de Beethoven, exécutés avec une admirable perfection musicale par le Quatuor hongrois, en fêtant la réapparition, après quelque vingt années de silence, de la pianiste Youra Guller. Et si les amateurs de ballet n’ont plus, hélas! l’éblouis-sement des Ballets russes de Serge de Diaghilew, qui donnaient naguère à ces mois de printemps musical à Paris un prestige souverain, ils applaudissent les Ballets Jooss, revenus avec leur répertoire, les ballets que Georges Balanchine est venu régler à l’Opéra de Paris (Apollon musagète et le Baiser de la Fée, de Stravinski) avec la romantique étoile Toumanowa. Quant aux amateurs de bel canto, ils ont eu la visite d’artistes de la Scala de Milan au Théâtre des Champs-Élysées et à la Gaîté-Lyrique, avec des opéras peu souvent exécutés à Paris : Falstaff; le Trouvère, la Favorite, la Traviata, entre autres, pendant que l’Opéra-Comique remonte Pelléas et Mélisande dans une présentation nouvelle due à Mme Valentine Hugo. H. S. 53 .