de Vlaminck, deux walkyries brune et blonde, deux architectures qu’aurait pu engendrer Maillol. Et une meute de chiens, grands et petits, poilus ou non, jappeurs ou grondeurs, ennemis ou complices, et auxquels la seule présence du maître apporte quelque respect. Au fond du jardin, une maison, au milieu de la maison, une porte, et, dans la porte, Vlaminck. Le jour ne peut plus guère passer quand Vlaminck est dans l’embrasure. Ce Porthos aux cheveux gris nous regarde avancer avec une méfiance teintée d’hostilité. C’est bien là le hobereau violent comme sa peinture qui écrivait, en 1943, en frontispice de Portraits avant décès: o Je n’ai pas de comptes à rendre. Je n’ai à faire plaisir à personne. Mais Lucien Descaves est là et Vlaminck lui ouvre des bras de chêne noueux pour le presser non pas sur son coeur — la différence des tailles ne le permet pas — mais sur son ventre. Ilnous entraîne à l’intérieur de la petite maison, où il a installé ses soixante-dix ans dans un fauteuil de cuir et Vlaminck entraîne Lucien Descaver… Photoraphies à laquelle il a rajouté une tour dont il a lui-même patiné les tuiles. La décoration de la pièce offre un bizarre mélange : des Vierges gothiques y voi-sinent avec des masques nègres. Le plus curieux est que l’on trouve aux unes et aux autres une parenté, symbole de ce Janus multiplié par l’in-fini qu’est l’art. A côté, des toiles, beaucoup de toiles, des kilomètres de toiles. La peinture de Vlaminck est comme ces morceaux de musique qui s’étendent en variations sur une seule phrase : le même chemin creusé d’ornières, les mêmes maisons basses et salies, les mêmes arbres noués de rhumatis nes y reviennent sous un ciel chargé comme un cocktail mal fait. Pendant ce temps, écumant et la pipe agressive, Vlaminck-Quichotte bataille avec Vlaminck-Pança solidement calé dans son fauteuil. Pendant que le premier voue les marchands de tableaux aux médecins, les médecins aux savants et les savants aux dieux infernaux, pendant qu’il prévoit la fin du monde provoquée par le nombre des frigi-daires, le second lui conseille de se tenir un peu tranquille à cause du photographe, et fait offrir à ses invités un énorme gâteau au chocolat devant lequel Lucien Descaves montre qu’il n’a pas perdu l’habitude de s’attaquer à plus gros que lui. Il a fallu quitter ce personnage de La Varende. Et Lucien Descaves, pensant que le monde vivra bien autant que lui, c’est-à-dire encore long-temps, est retourné vers ses livres et ses images d’Épinal, rêvant à son nouveau volume et au printemps prochain. GEORGES MARIGNY. Vlaminck-Quichotte bataille avec Vlaminck – Ponça… 27