pas plus fort contre le mariage (de sa fille) que ne l’est la Mère Agnès dans ce billet à son neveu Le Maitre, qui vient de lui écrire son intention de se marier : s Mon très cher neveu, ce sera la dernière fois que je me servirai de ce titre ; autant que vous m’avez été cher, vous me serez indifférent (…). Je vous aimerai dans la charité chrétienne, mais universelle, et, comme vous serez dans une condition fort commune, je serai aussi pour vous dans une affection fort ordinaire. Vous voulez devenir esclave, et avec cela demeurer roi dans mon cœur, cela n’est pas possible ; car, quel rapport y a-t-il de la lumière avec les ténèbres et de Jésus-Christ avec Bélial ? » Ainsi parlait le catho-licisme dans la France d’autrefois. s Le catholicisme ? s’exclamera-t-on. Un catholicisme, et qui fut condamné. » Il m’est pénible de constater, par la lecture des articles qu’inspira le Martre de Santiago, combien, après trois cents ans, certains préjugés contre le jansénisme, nés de la calomnie, ont pris racine, et pour toujours. Aujourd’hui encore, la plupart des gens ne sav’ènt rien du jansénisme, que ceci : que jansénisme est synonyme de dureté. Et pourtant, quel florilège, quelle légende dorée ne ferait-on pas avec les traits de charité de ceux et celles de Port-Royal I Je m’y étendrais sur des pages et, faute de pouvoir le faire ici, j’aime mieux y renoncer du tout. (Ou ne faire qu’une citation seulement, parce qu’elle est sublime. Le janséniste abbé Grégoire termine ainsi ses Ruines de Port-Royal : a Les sacrificateurs de Port-Royal léguèrent leur fureur au siècle suivant ; les victimes, en tombant sous le glaive de l’iniquité, léguèrent leur douceur inaltérable. Les hommes qui continuent d’outrager la vérité et ses défenseurs doivent être l’objet spécial de notre tendresse et de nos prières. ») A la vérité, Alvaro aussi bien que les jansénistes étaient bigarrés en costume d’Arlequin ou, si l’on veut, en damier noir et blanc, comme nous tous : charité et manque de charité côte à côte. Chez Alvaro, manque de charité pour sa fille, manque de charité pour ceux qu’il n’estime pas, mais charité pour les chevaliers ses frères, charité pour les pauvres, voire charité pour ses ennemis. Contre le catholicisme de mon Maitre de Santiago, il n’y a d’autre accusation à porter que celle que portait contre le jan-sénisme, en 1674, l’archevêque de Paris, Harlay. Il disait à l’abbé Feydeau e que ce n’était pas assez que d’avoir les senti-ments de l’Église, qu’il falloir parler comme l’Église parloir aujour-d’hui » (Mémoires de Feydeau). Et c’est bien cela. Il n’y avait rien contre le jansénisme ; il n’était pas une hérésie, puisqu’il était parfaitement conforme à la doctrine de saint Paul et de saint Augustin ; il n’y avait rien, sinon qu’il n’avait pas le ton du jour. C’est hénaurme, n’est-ce pas ? Mais c’est ainsi. Ni Alvaro, ni la pièce qui le met en scène ne sont, eux non plus, au ton du jour. Mais j’ai• toujours protesté (et il y a peu encore, dans le Solstice de juin) contre la croyance qu’il y ait 22 Dessin d’Henry de Montherlant