FEMMES Er FLEURS (1945). 34 On se doute que le point de départ d’un tableau de Goerg soit rarement un sujet précis inspiré de la réalité. Naguère, quand il tendait davantage à la carica-ture, il pouvait se donner un thème. Il voulait, a-t-il écrit, a dégager et faire sentir le ridicule caché des formes quoti-diennes, vis-à-vis des-quelles la mode et l’accoutumance rendent le contemporain aveugle. Faire rire me semblait un but délaissé, bien à tort, par les peintres.» Ses toiles inspirées du ha tre el du musichall : Cuité- Montparnasse (1925). La loge à l’Opéra Comique (1927) n’ont pas besoin de commentaires. La Nuit de noces (1928) dit bien ce qu’elle veut dire, mais les titres don-nés par Goerg à ses dernières oeuvres sont des plaisanteries ultérieures à leur exécution. Les petits garçons n’ aiment pas gu’ on lasse la cour à leur mère, est une fantaisie de réson-nance freudienne, et Le fils du bistro sera marin une drôlerie provoquée par des accessoires, un bateau : d’enfant, un verre de vin. Il y eut pourtant une époque où Goerg peignit de grandes compositions à tendances politiques et sociales : ce fut entre 1934 et 1938, aux temps de la guerre civile espagnole et du Front populaire. L’angoisse qu’il éprouvait devant les événements « s’exprime alors (écrit-il lui-même) en des toiles qui préfigurent ce que chacun pouvait craindre le plus : une nouvelle guerre, un nouvel abaissement de l’homme et le déchaînement de forces dont il ne serait plus maître. » Il suffit de citer les titres de quelques-unes de ces oeuvres « engagées u pour en saisir l’esprit : Heurs et malheurs du paysan (1936), la Mort en Espagne (1937), le Monde s’écroule (1937), etc. Nous reproduisons ici : La vie recommence et la Destruction des stocks. Le pessimisme foncier de Goerg s’y manifeste à la manière de Jérome Bosch par un grouillement de personnages hideux et frénétiques qui se charcutent à qui mieux mieux, un enchevêtrement d’épisodes macabres et hallucinants, clignes des Désastres de Goya. Pour se consoler de vivre dans notre époque absurde, pendant la dernière guerre en particulier, Goerg introduit dans presque toutes ses toiles des fleurs multicolores qu’il se garde bien (le copier sur nature. Comme Odilon Bedon, qu’il admire, il excelle dans la composition de bouquets et de guirlandes où les anémones, les marguerites, les zinnias, les pavots etles roses tremières sont transposés en de rares harmonies de pourpre, d’orangé, de vert et (l’indigo. Pour donner plus de légèreté encore à ses pétales, plus d’éclat à ses corolles, il fait voleter de-ci de-là des papillons exotiques. D’autres avant lui, comme Renoir et Fantin-Latour (après Monnoyer et Redouté) ont décrit les roses et les pivoines. REPRODUCTION A LA GRANDEUR DES ORIGINAUX. DE 4 PAGES DES FLEURS DU MAL, (MARCEL SAUNER, ÉDITEURS. PARIS)