31 MOBILIER ET DÉCORATION LES SÉMINARISTES EN ROUGE ROME. MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS. YVES BRAYER PARMI les peintres français ayant de peu dépassé la quarantaine, il n’en est guère dont la saine puissance de personnalité soit aussi manifeste que celle d’Yves Brayer, né à Versailles en 1907. S’il obtint, très jeune, à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, des succès mérités, et même la plus haute récompense, il en profita pour voyager, c’est-à-dire apprendre des maîtres, dans leur lumière originelle, ce que le meilleur enseignement théorique ne saurait affiner ni à plus forte raison donner : le sentiment des rapports entre l’art et la vie, l’homme et l’ceuvre. Ce fut ainsi que seul devant Goya, Vélasquez, le Gréco et les autres, il trouva la force d’échapper à la domination de l’académisme officiel. Il vit Tolède et Fez, avant d’aller subir la dure épreuve de Rome, et il fut de ceux qui en reviennent. Assidu aux Musées, attentif aux techniques, certes, il ne négligea pas de l’être, mais jamais au point d’y contracter le redoutable complexe d’infériorité selon lequel tout aurait été ressenti avant nous et dit le mieux du monde : admirateur de Guardi à Venise et de Corot sur la terrasse de la Villa, mais capable quand même de sensations directes, pures de toute réminiscence, au spectacle d’un coucher de soleil sur la lagune, d’une cérémonie au Vatican, d’une réception à l’Ambassade, des mouvements du peuple dans la rue. L’académisme moderniste ne le tenta pas davantage ; chacun sa vérité ; celles de Cézanne, de Gauguin, de Matisse et de Picasso sont valables, démontrées, admirables, mais nul ne saurait les répéter servilement sans se mentir à soi-même, car il existe toujours un point où notre vision personnelle des choses diffère de la vision d’autrui comme diffèrent les traits d’un visage et les traits d’un autre visage, votre écriture et la mienne, et nos empreintes digitales ; il se peut que certains caractères du beau soient susceptibles d’être communément ressentis, à toutes les époques,