DE L’ESPRIT D’ENTREPRISE N— ..rittL alarme, naguère, était grande de voir la Société des Artistes Décorateurs, si utile au développement du goût contemporain, si nécessaire dans les confrontations qu’exige l’établissement du style d’aujourd’hui, contrainte de risquer sa vie dans l’aventure finan-cière que représente l’entreprise d’un Salon, avec tout ce qu’elle comporte à présent d’aléas. Aujourd’hui rassurés, nous avons le devoir de glorifier, non point, à l’instar de l’État, la rareté d’un dix centimes vert ou rouge de Nouvelle-Calédonie, dont nous n’avons cure, mais bien l’esprit d’entre-prise qui a eu pour résultat la plus belle manifestation d’art déCoratif que nous ayons vue depuis la guerre. Nos artistes décorateurs et à leur tête Jacques Adnet, leur président, nous ont prouvé la qu’ils sont riches, sinon d’argent, du moins d’audace. Ils nous ont prouvé aussi qu’un style français s’élabore et s’affirme, neuf, jeune et sain, conscient de la noblesse de notre tradition, mais sans lui rien devoir des formes de son visage. Et ce style a de la grandeur, de la force, de la qualité. Il est mul-tiple et divers. Il s’accommode de tous les matériaux, du plus riche au plus pauvre, de l’or à la paille. Il s’accorde à toutes les bourses, à l’industriel et à l’artisan, aux machines-outils les plus rapides comme à la gouge et au rabot. Et tout cela, il le fond dans une surprenante unité, aujourd’hui évidente. Nous avons enfin été touchés par cette vérité sensible qu’était gagné le combat que nous avons mené ici, durant seize années, page à page, pour la suprématie d’un art décoratif français adapté aux souhaits les plus modernes et pourtant fidèle à l’esprit de nos plus hautes traditions. Et qu’il était gagné par l’audace de notre jeunesse, à cause de ce goût du risque propre à quelques résolus entraînant la masse et surtout en dehors de l’État dont l’appui toujours implique et parfois exige le plus stagnant des conformismes. Ce que la Société des Artistes Décorateurs a perdu en subventions officielles, — ne parlons pas des aumônes qui lui ont parfois été faites — elle l’a gagné en liberté, en dynamisme, en réelle puissance, en jeunesse. C’est ce qu’a dû penser Jacques Adnet en apurant ses comptes et voyant qu’ils se soldaient sans pertes. Qu’il songe aussi que, dans le lourd été parisien, sous les frondaisons déjà jaunissantes, la mémoire de deux hommes est aujourd’hui, à juste titre, portée aux nues. Ces hommes dont la gloire s’affirme éclatante et n’ira qu’en grandissant, ce sont Gauguin et Bourdelle. Ils ne doivent rien à l’État. L’un, qui éleva d’étonnants monuments dans tant de pays du monde, n’en put sculpter jamais aucun pour l’État français. Il refusa l’Institut. L’autre, au gouverneur de Tahiti qui lui demandait son portrait, fit répondre qu’il n’était pas animalier. L’indépendance, si elle retarde la gloire, lui creuse un chemin plus profond, qui mène à de plus hauts sommets. LE DÉCOR D’AUJOURD’HUI LU