L’ART DÉCORATIF non seulement la voix d’un chanteur, le jeu d’un acteur, la perfection d’une danse, mais combiner aussi un « spectacle fait à souhait pour le plaisir des yeux »; qu’il doit suivre attentivement les expo-sitions de peinture, autant que les auditions théâ-trales, et discerner dans la foule des peintres, ceux qui sont capables, pour diverses raisons, d’adapter leur sensibilité à celle de l’auteur d’une comédie, d’un drame ou d’un ballet. Les choix qu’il a faits ont été justifiés, jusqu’à présent, par l’expérience. je regrette seulement — mais il faut tenir compte des difficultés matérielles — qu’à cette nouvelle idée du spectacle ne soit pas liée l’idée d’une nouvelle architecture théâtrale. Vous oppo-sez à des toiles de fond des costumes qui jouent avec elles, c’est entendu. Mais encore faut-il que le spectateur soit placé de telle manière qu’il puisse comprendre cette relation pittoresque et plastique. Or, il est impossible à des spectateurs placés aux fauteuils de balcon, de côté, aux galeries supé-rieures, de bien jouir de ces raffinements proposés à leurs regards; ils voient l’espace compris entre les portants et les personnages, qui agissent à leurs yeux séparément, sans liaison apparente. La plu-part de nos théâtres, actuellement, ont la même architecture que les théâtres italiens du xvitv siècle; or, le théâtre en Italie était un plaisir de société beaucoup plus qu’un plaisir d’esthéti-que; autour des galeries en hémicycle, les loges étaient tout autant de salons, où chaque soir, la dame, en compagnie de son sigisbée, plus rarement de son mari, recevait ses amis; on y prêtait peu d’attention au spectacle, qui était, comme on dit « dans la salle », et la salle, avec ses galeries, son pla-fond, trop brillamment éclairée et décorée d’or-nements en stuc et d’arabesques dorées, brillait au détriment de la scène. On veut que, main-tenant, tous les sens du spectateur soient sti-mulés, éveillés, confinés; il faut que l’on supprime les loges, que l’architecture de la salle soit sobre, en bois sombre, avec un plafond en caisson, des lustres discrets, des fauteuils enfin rangés en gra-din, de face, depuis les profondeurs de l’orchestre jusqu’à la hauteur du premier balcon, que l’on gagne en profondeur ce que l’on perd en étalage; et ainsi l’on obtiendra pleinement le but que l’on se proposait et qu’a réalisé le merveilleux Théâtre des Artistes de Munich. Mais cette salle idéale manque à Paris. Encore un mot. Il est à craindre que le théâtre ainsi compris ne devienne un peu trop le théâtre des veux au détriment de l’esprit et de l’oreille. Déjà ce point de vue exclusif se manifeste dans les conversations qu’on entend de ci de là. On ne dit plus guère « La scène II de l’acte III est remar-quablement conduite » ; mais on dit beaucoup, en revanche « Avez-vous remarqué,à l’acte III, tel personnage, dans tel cos-fume, se détachant sur tel fond? ». Prenons garde que l’émotion humaine, que la beauté des voix, la délicatesse d’une intona-tion, ne soient négligés au profit d’une belle lissage, et que le spectacle de tous ne soit plus qu’un spectacle de peintres. L. BAKST — COSTUMES POUR «NARCISSE DEUX BACCHANTES (AQUARELLE) 283 LEANDRE VAILLAT.