L’ART ET LES ARTISTES rates : ce sont des femmes qui cueillent des oranges, sans se soucier du petit Amour, perché au sommet du cintre de la porte, qui leur décoche des flèches; et rien n’est plus délicat que l’animation variée et homogène de la pierre. On pénètre dans la rotonde, et dès le seuil il semble qu’on soit parvenu à un oasis de fraîcheur. Le sol en mosaïque, le petit bassin avec son jet d’eau, prédisposent au recueil-lement. Les yeux s’habituent à la pénombre, et voici que surgit, dans son marbre blanc, le groupe sculptural sur lequel la lumière s’épand, d’en haut, précieusement ; là-bas, en réalité sur le mur, en apparence beaucoup plus loin, se déroule une large fresque ou plutôt une peinture mate imitant la fresque, répétant par ses tonalités colonie un écho du paysage : la mer bleue, et sur la rive des per-sonnages inscrivant leurs corps en arabesque, s’in-terposant entre la statue et la mer ; c’est une femme nue, la beauté et l’hymne que lui adresse le poète, des nus chastes, païens, et des étoffes aux tons rares, roses et verts pâles, glissant le long des hanches, des rochers qui émergent de l’écuisse, de l’eau bleue, d’un bleu de lapis-lazzuli, qui fait paraître plus blanche la statue qu’a dressée le sculpteur, plus suggestives les niches qu’a imaginées l’architecte pour le repos, plus musicale la chanson des fontaines dans ces niches, plus molle, le rythme des fresques qu’a largement enlevés le peintre, plus harmonieuse et plus une, l’oeuvre de cet artiste qui a su plier à la même discipline les trois arts. H. PROJET DE THEATRE C’est un théâtre de danse, imaginé par Gau-dissart et Violet, le sculpteur pyrénéen ; un théâtre où les représentations plastiques seront prépon-dérantes. Tout y est subordonné par conséquent à la nécessité de mettre en valeur des évolutions de danseurs et de danseuses. Imaginez un hémi-cycle; tout autour de cet hémicycle, neuf loges portant chacune le nom des fleur Muses; chaque loge contient douze places, très confortables; elle est fermée du côté du spectacle, non par un balustre de pierre, qui ne laisserait émerger que le buste des spectatrices, niais par une grille en fer forgé et doré, qui permet de voir les femmes des pieds à la tête ; elle s’ouvre par une porte sur l’arrière-loge, ronde, ornée à fresque, avec un divan circulaire. Elle s’ouvre sur la scène par une large baie. Deux cariatides l’encadrent, soutenant un fronton sur lequel est représentée en sculpture la Muse qui donne son nom à la loge ou une scène la sym-bolisant. Chaque loge est séparée de la suivante par deux piliers cannelés qui supportent une voûte en plein cintre recouverte d’un treillage ou vitrée. Visilà le côté salle. Voici, maintenant, le côté scène n. Le fond en est formé par un rideau d’ar-bres, ifs, avec des portes taillées dans les arbres et s’ouvrant sur le parc qui entoure le théâtre. A droite et à gauche de la scène, deux petits bâti-ments serviraient aux artistes et aux accessoires. La partie que l’on appelle généralement a l’or-chestre », — ce qui est absurde, puisque orchestre veut dire danse, — est rendue, comme dans le théâtre antique, aux évolutions de la danse. Une zone suit le pourtour des loges, et, parallèlement, une pièce d’eau, et enfin au milieu de la pièce d’eau, une presqu’île attenant à la scène proprement dite. Les danseuses peuvent donc évoluer sur la scène, et de là, sur la zone concentrique et sur la presqu’île. Si l’on réfléchit que le bassin tout en entier est en mosaïque de verre, que l’eau s’illumine par des lampes électriques très puissantes, que dans cer-tains cas on éteint les lampes de la salle pour ne l’éclairer que par cette lumière passant à travers l’eau, que des corps nus peuvent nager dans l’eau endiamantée et phosphorescente, on imaginera facilement ce qu’une Isadora Duncan, par exemple, est capable de réaliser sur un tel théâtre pour la joie de nos yeux. L. V. ri,,i. hun,onn. GAUDISSART ET VIOLET — PROJET DE THÉÂTRE DI 278