L’ART ET LES ARTISTES GOS FILS notre sentiment de l’agréable ou de l’ennui, norme vulgaire trop commune que l’on corrige un peu en disant : e Comme c’est naturel! Dans cette région, la dominante n’est plus la vie intime des choses, ici la vie a cessé d’exister, c’est l’objectivité suprême de lois et de principes immuables, c’est le rendu de formes manifestant les forces éternelles agissant dans la matière inerte — immanente beauté. C’est vers cet idéal d’une peinture alpestre es-sentiellement décorative, que s’oriente à l’heure présente les efforts des « jeunes n qui voudraient, peut-on dire, placer la représentation picturale en dehors de la notion d’espace, substituer au senti-ment atmosphérique, au trompe-l’œil, une image plus consciente. La « nouvelle » peinture alpestre sera décorative avant tout, volontairement déter-minée en ses effets, accentuée dans ses lignes qui sertiront à l’occasion les surfaces colorées. Elle aura la force et l’émotion d’une esquisse consciem-ment charpentée, la simplicité des grandes teintes, la fantaisie dépassant la nature. . • . A vrai dire, où sont-ils ceux — parmi les mo-dernes — dont le talent a suivi les traces des – LE LAC peintres de l’Alpe, ceux qui ne se rebutèrent point, ceux dont l’amour pour le paysage alpestre fut chose sacrée ? Et Segantini même, admiré tant pour sa maîtrise que pour ses sujets, ne peut leur être comparé, car pour le grand peintre italien l’Alpe « n’est qu’un décor f, prestigieux et superbe dans lequel agissent les êtres montagnards qu’uni-que en son genre Segantini sut chanter. Une figure qui, nettement, se détache par la conviction de ses toiles et par son originalité, c’est Albert Gos, le peintre du Cervin, l’homme de la montagne, comme il fut appelé. Dans son œuvre, pas d’incertitude, il connaît son but et y marche hardiment. Sa peinture procède de l’amour et de l’intense émotion que l’on peut ressentir en face des spectacles de la nature. Il sait la matérialiser selon l’esprit des vieux maîtres et selon la tendance îles impressionnistes modernes,, entre deux con-ceptions opposées, il forme le lien nécessaire. Sa prédilection le transporte dans la montagne aride et sauvage, il la note sur sa palette en gammes de couleurs vibrantes, la transcrit en un schéma musical ou littéraire, ou la dessine avec piété, dévotion même. Il s’arrête aussi méditatif devant la sérénité des soirs — tel son tableau du Breithorn, au soleil couchant, acquis par le musée du Luxembourg. Il sait évoquer les piturages z68