L’ART ET LES ARTISTES JACQUES JORDAENS — LE ROI BOIT LES PETITS NIAITRES FLAMANDS David Teniers le Jeune (1610-169o), le plus connu des petits maîtres flamands, fut longtemps considéré, avec Rubens et van Dyck, comme une des trois personnalités artistiques composant la trilogie la plus glorieuse de l’école flamande. Mais les critiques d’art modernes les plus autorisés lui préfèrent aujourd’hui non sans raison les oeuvres plus sincères et plus vraies d’Adrien Brouwer. Il faut avouer que Teniers, dans ses paysans abâtardis, aux proportions courtes, aux articulations anky-losées, aux expressions banales et figées, toujours les mêmes, ne rend pas l’apparence vraie des robustes villageois de la Flandre, que Breughel le Vieux, avec ses moyens techniques primitifs, Jordaens et Rubens (voir de ce dernier maître la Kermesse du Louvre) avec une exécution presti-gieuse, nouvelle, surent rendre, exubérants de vie et de santé brutale. Les scènes diaboliques de David Teniers sont nombreuses; quant à ses Tentation de saint Antoine elles sont innombrables. On en trouve beaucoup d’échantillons aux musées de Madrid, de Dresde, de Berlin, de Paris, de Saint-Pétersbourg, de Lille, de Rennes et de Bruxelles. Dans toutes nous trou-vons une sorcellerie gaie, des drôleries amusantes, Muse, de Bruxelks. mais bien distantes des cauchemars terribles de Bosch, ou des diableries moralisatrices de Breughel le ‘Vieux. Comme le dit si bien Ernest Renan : a Ses sujets diaboliques n’apprennent rien en fait de morale, ne réfutent rien en fait de politique ; son but n’a pas été de prêcher, d’améliorer, ni d’instruire; il n’a pas voulu prouver que la foi profonde triomphe des assauts les plus violents ; il a été badin et fan-tastique… n et, ajoutons-le, trouva ainsi un prétexte de plus pour se montrer un peintre prestigieux, confirmant les vers de Boileau Il n’est point de serpent ni de monstre odieux Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux. Adrien Brouwer (1608-1640), nous l’avons dit plus haut, mérite mieux que Teniers le premier rang parmi les petits maîtres flamands. Grâce à lui, nous voyons revivre le paysan et le rustre de la Flandre, réel, tel qu’il était jadis, avec ses qualités, ses tares et ses vices. Sa technique artistique est irréprochable ; on sait que Rubens, excellent juge s’il en fut, acquit dix-sept de ses oeuvres, pour en orner sa galerie particulière, honneur qui n’échut pas au peintre du château de Perck. Si Brouwer ne doit rien à Teniers, nous savons par contre que cc dernier étudia ses oeuvres, avant de créer son 250