COURBET ET SON INFLUENCE A Mais cet état d’esprit ne lui était pas particulier; et si Mun-kàcsy était allé en France, Leibl et Szinyei n’avaient subi l’in-fluence française que par inter-médiaire. A l’exposition de 1867, l’indi-vidualité de Courbet était déjà complètement évoluée et il appa-raissait comme un artiste puis-sant, définitif, à l’apogée. Manet, lui aussi, avait déjà jeté les fon-dements de sa personnalité et il partait sur la route qu’il s’était tracée lui-même pour pénétrer dans le domaine inconnu de la Beauté. Courbet avait pu réunir pres-que sans lacune l’ceuvre de toute sa vie, Manet exposait une cin-quantaine de toiles ; on pouvait ainsi tracer d’après cette exposi-tion la trajectoire de leur déve-loppement et saisir le but qu’ils s’étaient proposé et les résultats qu’ils avaient atteints. L’in-fluence de Manet était relative-ment faible en comparaison de celle de Courbet; tout au plus pouvait-il passer pour un dis-ciple intéressant et un très petit nombre de personnes, au premier rang desquelles Emile Zola, discernèrent l’origi-nalité de ses tendances, tandis que le triomphe de Courbet était évident, surtout aux yeux des artistes étrangers. Son influence sur Munkàcsy fut décisive. Il resta à Paris deux semaines, qu’il passa presque entièrement dans la baraque de Courbet, où il étudia ses oeuvres et en reçut une impression qui ne s’effaça de toute sa vie. De retour à Munich, il considéra avec une grande stupéfaction une de ses oeuvres : La Charretée de Foin, commencée antérieurement, et tout de suite les défauts lui en sautèrent aux yeux : l’horizon borné, la petitesse et le manque de relief des personnages, etc. Il se mit incontinent à la retravailler. Il l’envoya a Pest et ne trouva pas d’amateur. r, C’est peint d’une manière si large, écrit Ligeti, qu’on appelle ça chez nous du barbouil-lage. s C’est cependant cette manière qui devait caractériser Munkàcsy jusqu’à la fin de ses jours. I I TRANGER C..hrighl. Pa. Gesellsrbell, Beim. LEIBL — DEUX FEAINIES DE DACHAU (1874) 27 Il ne put pas rester à Munich et, se rappelant que Knaus était à Dusseldorf, il décida d’aller tra-vailler près de lui. La première oeuvre qu’il y exécuta fut Le Réveil de l’Apprenti, sujet humo-ristique à la Knaus, mais la conception de la forme était dans l’esprit de Courbet. Nous possédons une des esquisses de ce tableau. Cette esquisse est avant tout une étude de ton : du fond obscur la lumière tombe en nuances vaporeuses et merles formes en relief, non point par l’accumulation des détails, mais selon une volonté d’unité qui exprime tout l’effet du sujet. C’est ici que nous nous trouvons pour la pre-mière fois en face de sa facture caractéristique, qui avait évolué sous l’influence de Courbet ; mais Munkàcsy s’était formé un goût personnel, une souplesse fine, veloutée, chantante, un éclat doux, émaillé, une lumière vaporeuse que nous ne trou-vons pas chez son maitre. On peut s’en rendre mieux compte dans un autre tableau peint en 1869,