L’ART ET LES ARTISTES devint l’élève du peintre Elek Szamossy (1826-,888), afin de pouvoir dorénavant suivre en toute liberté ses penchants artistiques. N’ayant reçu aucune éducation scolaire, il ne vivait que pour l’intime satisfaction de son indé-pendance spirituelle, de ses sentiments et de sa virtuosité naturelle. Arts prises avec des soucis matériels, il ne fit longtemps que se laisser guider par Szamossy dans l’expression de ses conceptions. Cousine Szamossy lui-même, élevé à l’école de Vienne, demanda à son élève de s’adonner exclu-sivement au dessin, ce n’est qu’à leur séparation que ce dernier commença à peindre. Parmi ses premiers tableaux il faut citer Le Récit da vieux Grognard dont la manière reflète exacte-ment les influences de ses débuts. Pendant sots séjour à Vienne, un tableau humo-ristique de Kuaus lui fit une grande impression; mais Knaus était aussi un dessinateur et il n’est pas étonnant qu’en arrivant à Munich il soit resté fidèle à cette conception artistique. Ses œuvres de cette époque, notamment L’Inondadon, témoignent de sols désir d’une composition conforme aux règles et laissent apparaître aussi ses instincts de coloriste. A ce moment de sols évolution, la renommée de l’Exposition de Paris l’y attira. Il se mit en route le 15 octobre. Toute différente fut l’évolution d’un autre élève de l’Académie de Munich, dont la conscience avait été aussi fort agitée par les nouvelles de Paris : Guillaume Leibl (1844-1900). Il ne douta point; lui ; et il eut tout de suite la clairvoyance de prendre à coeur les enseignements de la capitale française, qu’il tenait de ses camarades. L’évolution de Leibl est droite, consciente de sots but et exempte de tout heurt. Son père avait aussi été un artiste, un musicien pourvu d’une bonne situation à Cologne, et il s’était chargé de son éducation. Avant d’être peintre, le jeune homme avait été serrurier et c’est en 1864 qu’il devint élève de l’Académie de Munich, d’abord dans la classe d’an-tique de Stuilsuber ; puis dans l’atelier de peinture d’Anschütz, et il continua ses études à l’école du baron Ramberg. Au sens le plus précis du mot, Leibl reçut donc tout ce que l’Académie était capable de donner à un élève; premier parmi les premiers, admiré de ses camarades, encouragé par ses maîtres, et plein de confiance en soi-même, il travaillait avec une ambition croissante. Il fit des études de tètes, des copies de Rem-brandt, mais il fut fortement impressionne par un artiste revenu de Paris, Victorien Müller, qui avait subi directement l’influence de Courbet, dont il vantait les tonalités splendides avec un véritable 26 lyrisme; aussi quand il eut la commande du por-trait de la femme d’un de ses confrères,M- »Gedon, n’oublia-t-il pas ses nouvelles leçons. Paul Merse de Sainyei (t845), un troisième élève de l’Académie, se rapproche beaucoup par certains points de Leibl, mais on peut cependant l’en distinguer très nettement. Tandis que le jeune artiste allemand reste d’une humeur grave, silencieuse, gardant pour soi seul ses pensées, et constamment obligé de faire effort pour extérioriser sa puissante énergie, le Hongrois est plein d’une insouciante gaieté, dont le large rire, émané de son âme, nous fait entrevoir quelle conception riante et généreuse il se fait de l’univers. La fièvre qui s’empara de ses amis aux nouvelles de l’exposition de Paris ne lui procura à lui qu’une bienfaisante sérénité, car il sentait bien que tout ce que les Français pouvaient enseigner, sa propre nature lui en avait déjà donné l’intuition. Son père, sous-préfet du comitat de Saros, l’emmena à Munich après qu’il fut devenu évi-dent, à la suite de ses études de lycée faites à Eperjes et à Nagyvarad, qu’il n’était aucunement apte à une carrière scientifique. A Munich, il suivit courusse Leibl les cours de l’Académie. Mais il diffère de son camarade en ce qu’il n’a pas triomphé des difficultés du métier par une facilité d’enfant précoce; il eut à se débattre au contraire contre le rigorisme du contour calli-graphique imposé et son talent ne se manifestait que lorsqu’il employait la palette. Déjà, dans ses premières études de têtes et d’académies, c’est par la couleur qu’il arrive à traduire la forme et sots culte de la nature l’aisselle à aborder aussi le paysage. Mais il fallait obéir à l’école; aussi tenta-t-il de peindre des compositions, voire des scènes d’his-toire, et on le vit, lui qui était la gaieté inème, choisir des sujets tragiques, uniquement pour complaire à l’école (et avant tout à Piloty). Mais il n’obtint pas un résultat suffisant. C’est alors qu’il vit dans la galerie du comte de Schack quelques oeuvres idylliques de Boecklin et il choisit lui-même un sujet très gai Le d’aune qui appelle la Nymphe. Et d’ailleurs un autre évène-ment survint. e Mes amis peintres — raconte Szinyei — qui avaient visité l’Exposition univer-selle de Paris, disaient merveille des peintres fran-çais. Ils ne se plient à aucune règle de composition et sont dans la couleur d’une sincérité absolue. Mais alors, pensai-je, ils font tout justement ce que moi je voudrais faire ! C’est ainsi que je devins le disciple des peintres français sans avoir jamais vu aucun de leurs tableaux. Je les ai imites, ab invisis.