L’ART ET LES ARTISTES et la douceur qu’il y goûte lui-même est son rayonnement. Ce sourire n’ignore pas le mal, tuais il l’efface. Une véritable intelligence y brille avec modestie, comme un feu égal et toujours présent se cache derrière un rideau baissé, dans la chambre où il veille. L’âme de cette jeune fille ennoblit tous ses traits. La force du front, lumineusement élevé entre les tempes et les sourcils, est un asile où, non moins que l’esprit, la volonté réside, cette volonté que la créature adolescente garde à bon droit dans le secret de sa vie, puisqu’elle est bonne et pure. Puisse le temps accomplir ce visage. Puisse le bonheur fixer les traits de la femme dans la cire encore incertaine du jeune âge, sans rien ôter, pas même une ombre de gravité et presque d’amer-tume, à la grâce robuste de la douce jeune fille. Le corps robuste, et un peu court ; l’air trapu, un dos plein de bonhomie; une maçon simple et bonne, où il n’y a pas de laisser-aller, ni rien de vulgaire, peu d’hommes ont l’allure du sculpteur, plus que Voulot à quarante-six ans. Comme son art, il a la franchise et la distinction naturelles, qui lui sont,. en tout, d’un si grand prix. Une tête bien faite, qui est celle d’un chevalier beaucoup plus que du paysan ; les yeux sérieux, calmes, attentifs, du bleu le plus candide, un regard qui sait ètre inquiet ou railleur, et qui s’anime dans la joie et le plaisir ; le teint vif, le sang rosé sous la peau fine; une barbe de cuivre au soleil, et les cheveux de ce blond argenté, où la cendre de l’ombre éteint dou-cement les copeaux d’argent; une main, non pas déformée, niais animée par le travail, robuste sans excès, et d’une belle proportion, rude et élégante, d’un grain sec et pourtant doux, main d’artiste qui tâte longuement les objets, qui les goûte par la pression, et qui les éprouve avec sûreté : tel il est, sans dureté ni violence, allant d’un pas ferme et tranquille vers un destin qui sera ce que veulent les dieux, mais toujours digne de sa fierté et de sa patience. Voulot est, de tous nos sculpteurs, celui qui me fait penser le plus à Corot ; et comme le grand bon maitre de I’lle-de-France, je sens bien que pour lui l’âme vivante de l’art est la grâce de la bonté. ANDRÉ` SUARÈS. TRIADE ANTIQUE 111110,1 A C11,1, P1-111,1