L’ART ET LES ARTISTES TEXTE SACRÉ ,BOIS) *** Dix ans plus tôt, Voulot avait donné une pre-mière mesure de son talent, mûr dés lors pour les compositions harmonieuses, et les beaux équilibres, dans son grand bas-relief de la File Pastorale. Il est toscan, comme Corot est virgilien ou attique. C’est un rêve champêtre, dans un monde plein de joie. Les vieillards y sourient à la jeunesse, et les jeunes gens à leurs amours. Tout y conspire à embellir l’allégresse : l’architecture est de Venise et de Pérouse; les collines font écho à la campagne; l’arbre admirable, le pin, couronne la hauteur, et près de lui, le temple antique. Et le soleil se couche au dernier plan. Lui-même, le poète tragique est là, sur le bord du chemin, en voyageur, comme il doit être. Et il regarde avec gravité toute cette joie sa mélancolie est à lui seul : il ne la montre pas ni ne la dissimule. Il contemple. Car, si tout aux autres est joie, danse, action, à lui tout est spec-tacle. Ce beau bas-relief n’a pas été exécuté en marbre, comme il aurait fallu. Personne ne l’a compris; on n’en a pas goûté les promesses. On n’y a vu qu’un souvenir de Florence. Quelle influence plus légi-time, cependant, ou plus salutaire, que celle de Donatello sur un sculpteur, qui touche au milieu 22 de la vie ? Le plus sculpteur de tous les sculpteurs, et le plus peintre aussi, celui qui a mis le plus de vie, le plus de vérité et d’ardeur sereine dans l’art de son temps, Donatello, k grand médiateur de l’antique et du moderne, ne peut être péné-tré profondément par un jeune homme. La leçon de Padoue et de ces bas-reliefs incomparables, où la statuaire s’est enrichie de tous les moyens de la peinture, une leçon si originale et si dangereuse, il faut avoir vécu soi-même et longtemps pratiqué la forme avec amour, pour la recevoir. Et plût au ciel que nos bruyants vieillards s’en fussent à cette école, si seulement ils étaient capa-bles de quelque humilité. Comme si l’artiste pouvait renier ses maîtres! Avoir des maîtres selon son propre instinct, pour être un maître à son tour. Les plus poètes et les plus artis-tes ont été enseignés par leurs dieux, une moitié de la vie durant, pour ètre dignes, l’autre moitié, de compter au nombre des fidèles et des héros. * * Les Bustes parlent, ou ils écoutent. Tous les beaux sculpteurs prêtent la parole à leurs bustes, ou leur font prêter l’oreille. Et parfois, ceux qui ont l’air d’écouter, répondent aussi. Ceux de Voulot écoutent de la musique, une mélodie populaire élégante en son rythme, tendre et légèrement pensive, rieuse par instants et plus souvent mélancolique, un lied d’Allemagne sur des paroles françaises. Dans ses bustes d’hommes, Voulot arrive toujours au caractère. Il en a la vision nette, et le pénétrant instinct. Il est plus capable de satire qu’on ne croit tel visage, d’une ressemblance presque parfaite, donne à rire du modèle, sitôt qu’on en surprend l’aveu. Pourtant, je m’assure que Voulot est, par voca-tion, le sculpteur des enfants et des jeunes filles. Il a fait de sots fils, à quatre ans, un petit buste rieur, qui est une oeuvre charmante il y a gagné la dif-ficile gageure du visage enfantin, ce masque d’eau courante, qui n’est pas fixé encore, cette mobilité continuelle, où il faut réussir des traits contraires dans une expression unique, où enfin le talent du sculpteur consiste à découvrir une conclusion à ce qui n’en a pas, et une cadence à des airs opposés. Le buste de Mil, M.-A. P. n’a pas un moindre