L’ART ET LES ARTISTES MATERNITÉ (MARBRE) plus grand au plus petit, enflent la voix pour dire tout ce qu’ils pensent ou ne pensent pas, et le plus souvent pour ne rien dire. Il a horreur de l’emphase et de la vulgarité. J’entre dans son calme et sage atelier. Là, tout est simplicité et silence. Point de cour, ni femmes à genoux, ni laquais de plume. Le blond sculpteur, à la barbe de cuivre, ne fait pas voler le marbre en éclats sublimes. En brave enfant d’Apollon mode-leur, il pétrit la matière et laisse en paix le discours. Il me parle de la main et des yeux, comme il convient à son état. Cet homme muet s’anime : dès qu’il modèle, il est vif, il est vite. La terre a chaud et froid entre ses doigts, elle frissonne, elle s’étend, elle se resserre. Le bloc se débrouille. La forme parait, et l’humble miracle s’accomplit. D’un regard droit, parfois avec rigueur et parfois avec malice, le sculpteur saisit le mystère de la ligne et du plan. Et, plein d’un feu secret, il le réalise : il l’offre à la lumière. Entre tous les artistes, le vrai poète et le sculp-teur modernes sont le plus sûrs de n’être pas cons-pris. Car l’un et l’autre sont les hommes du style. L’immense troupe des gens qui écri-vent fait son affreux métier dans les jour-naux. Le bataillon des statuaires gâche le plâtre, le marbre et le bronze sur les places publiques, qui sont le journal des journaux. Là, il n’y a presque jamais ni un grand écrivain, ni un artiste. Le peuple sans yeux, qui va et vient par les rues, ne regarde que les faits divers de la sculpture, les birbes hideux qu’on sème un peu partout à la gloire des métiers libéraux et des professions serviles, entourés de leurs outils et de femelles sans nom, qui sont les idées ab-straites : la chimie et la quinine, la cornue et la morale, le travail et le biberon. Au milieu de cette épouvantable chronique, qui prendra garde à une belle forme, à une ligne suave, à l’élégance d’un corps? Félix Voulut en fait l’épreuve. Il s’en tient donc à ses figurines; il laisse les montagnes de marbre et les colosses de bronze aux rhé-teurs car il ne leur faut pas moins, pour narrer leurs anecdotes à un siècle de por-tiers et de forçats. Cependant, il n’est pas une de ses figurines que Voulot ne pût élever à la taille humaine ; et il n’est pas un des monstres qui encombrent nos places, dont on pût faire un objet sans horreur ou sans ridicule. *** Voulot est un don de la belle, chaude et bonne Alsace à la France. En retour, l’esprit français a fait, de Voulot, un beau présent de la France à l’Alsace (r), toujours prête à recevoir l’étincelle de l’Occident. Sensuelle et de sang un peu lourd, l’Alsace est un chemin de toute bonne volonté entre le Nord et le Midi : c’est par où elle est si française et toute propre à la France, qui est elle-même la route royale du monde classique au sep-tentrion, et du bas-relief antique aux rêves de l’Océan. Heureux accord de la nature et du goût !Voulot pouvait être voluptueux et charnel ; mais il est dans la volupté une âme trop cruelle, une violence cachée Voulot n’était point fait pour ces excès de Fa* Voulot, or le 7 mai 1865, à Altkirch, dans le Haut-Rhin. Son père, franc-comtois d’origine, archéo/ogue de talent, a long-temps été conservateur du musée à Epinal, oG Voulot a passé son enfance. Sam est Alsacienne. Après avoir fait ses études au collige d’Epinal, re Voulot 11,6 à Paris, qu’il n’a plus quitté. Il est sociétaire de la Nationale, et il a réuni soixante-quatre de ses œuvres, dans une exposition ouverte à la Galerie A. Hébraed, le 06 avril init. On ne dira rien de mieux, sur Voulot et sur sa vie, que ce que hl. Maurice Potteclœr en a écrit naguère dans la Revue Lorraine illustrée, livraison de juin loir.