LE MOIS ARTISTIQUE dont on n’a pas assez parlé, un dessinateur savant, un coloriste plein de fougue. Les sujets de M. Henry de Groux ont souvent fait oublier la beauté de sa technique, et il s’est même répandu sur lui la fâcheuse opinion que c’était un peintre littéraire. Opinion fausse. M. Henry de Groux voir en peintre les visions de son esprit, et c’est en peintre qu’il les rend. Ainsi, son toujours admirable Christ aux outrages, est un chef-d’œuvre impressionnant. Certes, parfois, on ne peut nier que la foule ne devienne confuse et la composition trop chargée, niais l’ensemble reste toujours saisissant et garde toute sa force d’évocation… En considérant plus attentivement son oeuvre peinte, on se rend compte qu’il devait fatalement aboutir à la sculpture, ne fût-ce que pour pousser plus loin l’étude des physionomies admirées. Du premier coup, il y fait preuve d’un talent solide, d’une maîtrise étrange et aussi de cette émotion, de ce lyrisme contagieux qui lui appartiennent si profondément. Sa Statue de Léon Tolstoï, ainsi que les études qu’il en a faites, sont de tout premier ordre. Les eaux-fortes et lithographies de Camille Pissaro n’ajouteront rien à sa gloire. Je dois même dire qu’elles décevront un peu. Elles ont les dimen-sions, niais surtout, hélas, les proportions et le style des vignettes. Je ne crois pas que l’artiste leur ait accordé une signification bien forte dans son oeuvre. Peut-être les tenait-il pour de simples pré-parations, pour un répertoire à consulter en vue de ses tableaux. Ou bien subit-il un jour, console tant de peintres, l’attrait de l’eau-forte. C’est pos-sible. Mais on demeure surpris de l’écart qui se manifeste entre ses peintures et ses gravures. Ici plus rien de ce velouté, de cette atmosphère, de cette douceur poétique, de ce charme moite et attendri qui le met si à part au milieu des Impres-sionnistes. Et pas non plus pour remplacer tout celà — dont on pourrait à la rigueur prétendre que l’eau-forte s’accommode mal — de vigueur, ni d’accent. Mais de pauvres petites gravures incer-taines, timides comme des débuts. Il n’est pas tou-jours heureux de montrer d’un artiste tout ce qu’il a fait. Les vingt-huit toiles qui tapissent toute la salle consacrée à M. Francisco Yturri no plaisent d’abord par leur clarté, leur franchise et aussi ce plaisir qu’on devine chez l’artiste lorsqu’il les improvisait. Mais, à la longue, fatigue leur monotonie. Quatre ou cinq sujets se représentent, toujours les mêmes, et composés presque pareillement, et dans une coloration toujours semblable. Nous sommes ainsi faits que, malgré nous et tout ce que nous pouvons 89 nous dire, une improvisation qui se répète, même ingénûment, nous paraît une recette et que nous exigeons d’un artiste qu’il avance, tout au moins en profondeur s’il lui plaît de ne pas sortir d’une même préoccupation. Quoiqu’il y ait relativement peu d’oeuvres à la sculpture, celles qu’on y peut voir représentent une évidente supériorité. Cet art, forcément plus probe et plus rigoureux, interdit les fantaisies d’exécution qu’on se permet en peinture. Le plus obstiné théoricien est bien obligé d’en revenir, après quelques incursions dans des domaines à côté, à la sévérité d’une règle inflexible l’anatomie. D’autant qu’ici opère, à la façon d’un charme, austère et puissante, la beauté de la forme humaine, plus parfaitement absolue que tous les rêves. M. José de Charmoy expose, de son fameux Monnaient à Beethoven, les quatre Génies d’angle : grandioses figures de douleur et de mélancolie, colossales cariatides qui font penser, par certaines subtiles analogies, à des archanges miltoniens. L’effort, invisible, de leur corps noblement drapé, se concentre dans leur cou musculeux, l’expression de fatigue mystérieuse de leurs faces cependant sereines. C’est une œuvre. La qualité que semble de plus en plus posséder M. Séraphin Soudbinine est la perfection. Cette perfection, tome plastique clans le portrait de M. D. Smirnoff, artiste des l’Ib.-ares impériaux de Russie (marbre), s’accompagne d’un amoureux sen-tiraient de la beauté chez Diane (marbre) et de je ne sais quelle satire profonde et inavouée dans cette étonnante effigie appelée La Darne (ciment). Sept œuvres de M. Victor Rousseau, dont cette adorable Puberté (torse, haut-relief, pldire) et l’Homme penché sur le masque de Beethoven, d’une si intelligente composition. M. Victor Rousseau, par la variété de ses préoccupations, le charme et la force de ses réalisations, est un de nos meilleurs sculpteurs aujourd’hui. M. Bernhard Hcetger, avec un Torse de Femme et une Fillette à l’Urne: semble évoluer vers plus de grâce, plus d’élégance. Des six portraits, dont quatre de bronze, exposés par M. Georges Lacombe, toujours en progrès, je préfère encore l’effigie de M. Maurice Denis, bois solide et de forte probité. De M. Joseph Bernard, M. Léandre Vaillat a parlé ici, tout récemment, d’une manière qui me dis-pense de tout commentaire personnel sur cet origi-nal artiste. Outre deux Antilope, M. Rembrandt Bugatti expose un groupe Lion et Lionne de Nubie (bron,ze à cire perdre) d’une saisissante majesté, d’une vie intense et cependant transposée au décoratif. C’est un impeccable animalier. Quant à M. Libero