L’ART DÉCORATIF AU SALON D’AUTOMNE autre au sculpteur Dejean, une autre plus récente encore au sculpteur Joseph Bernard, qui me sem-blent plus particulièrement doués pour ce qu’on pourrait appeler la sculpture monumentale, faisant partie d’un ensemble, dans une silhouette de ville, de palais ou de maison. Ce sera l’honneur du Salon d’automne d’avoir contribué à supprimer dans l’esprit du public l’ab-surde distinction dont je parlais tout à l’heure. On a vu, dans les siècles écoulés de la tradition fran-çaise, des peintres, des sculpteurs de talent accorder leur attention à des desseins de meubles, des modèles de pendule, d’étoffes, de tapisserie, Lebrun diriger la manu-facture des Gobelins, où l’on fabriquait non seule-ment des tentures, mais des meubles, Falconnet modeler la pendule des Trois-Grâces, Coypel donner des cartons de tapisserie, Prudhoe des-siner des meubles pour le roi de Roule, et c’est précisément pour cela que la tradition française est si belle. On voit aujourd’hui des peintres de talent donner tous leurs soins à des ensem-bles mobiliers, à des dessins d’étoffe, et ap-porter plus de goût, un sentiment plus juste de notre art national, dans des réalisations pratiques susceptibles d’être prises comme modèles et appli-quées par l’industrie. L’année dernière, c’était l’excellent peintre Bai-gnères qui dessinait une chambre à coucher ; cette année, c’est Jaulmes qui dessine des modèles pour les toiles dites de Rambouillet, ce sont Miss Lloyd, MM. Albert André, d’Espagnat, Drésa, Paul Iribe, Louis Sue, Carlègle, qui donnent égale-ment des modèles de toiles imprimées. Et le Salon d’automne d’encourager, je ne dis pas cette confusion, mais cette union de tous les genres, en mêlant dans son catalogue, suivant l’ordre alpha-bétique, les auteurs de mobiliers, de peintures, de céramiques, de sculpture, etc. « Tous les genres sont bons, hormis le genre ennuyeux.» Pour affirmer cette union de tous les arts, tant de fois préconisée ici méme, le Salon d’automne, reprenant la méthode qui lui avait si bien réussi les autres années et que les autres pays, avouons-le, nous ont indiquée depuis longtemps, présente les oeuvres qu’il expose, non pas séparément, mais groupées dans des ensembles logiques : un appar-tement, un salon, une salle à manger, un cabinet de travail, une chambre à coucher, une installation de campagne, un cabinet de toilette, le meuble à sa place, le vase avec des fleurs, la nappe sur la table, le couvre-lit de dentelle où il doit être, le store vu par transpa-rence, les chenets dans la cheminée, les tableaux au mur, une statue, un buste sur un socle, et non pas des collections inter-minables d’objets sem-blables et cependant dis-parates, rangés au long des cimaises, sans qu’on sache pourquoi. Il est arrivé ceci : que des toiles, des dessins, des sculptures, des céra-miques qui, pris séparé-ment, paraissaient exces-sifs, ne causaient plus au-cun étonnement vus en-semble. Ils produisaient la même harmonie que des objets qui sont nés à la méme époque, qui ont été créés par des artistes in-fluencés par les mêmes causes, par la même cul-ture intellectuelle et sen-timentale, qui ont accou-tumé de vivre et qui sont parfaitement capables de vieillir ensemble. A part Jean Lorrain, qui l’a fait avec une éton-nante virtuosité, et tutti quanti, qui ont apporté dans leurs plaidoyers plus de platitude, je crois que le « modern-style » a vécu dans l’opinion et n’existe plus qu’à l’état de cauchemar. Style maca-ronique, inverti, où il suffisait, pour passer maître, de prendre à rebours les formes lentement élaborées par les corporations de plusieurs siècles, de faire tourner sur elle-même, en spirale, toute ligne droite, et de suggérer l’idée d’un enfer où tout se dérobait à à la main, au pied et… ailleurs. On est revenu à plus de sagesse, on a compris que le passé pèse sur nous, non pour nous écraser, GROULT CANAPÉ AVEC COUSSINS (COIN DU PETIT SALON) ST 3