L’ART ET LES ARTISTES HAUTEURS PRÈS D’ILMENAU (JUILLET 1776) BRUMES AU-DESSUS D. PRAIRIES. A GAUCHE TROIS VERS DE LA MAIN DE GLETHE efforts. Il continuait à faire assurément des progrès, nous l’avons vu, mais se rendait compte que tout son travail ne pouvait lui procurer les dons innés qui lui manquaient. S’il avait existé en lui, le grand artiste se serait révélé depuis longtemps déjà. Puisqu’il n’en est pas ainsi, Goethe dépose, pour le moment du moins, son crayon. Seule Christiane Vulpins, cette jeune fleuriste qu’il rencontra dans le parc de Weimar, emmena chez lui, puis épousa dix-neuf ans plus tard en 1806, l’inspire encore. Il fait d’elles plusieurs portraits. Mais à cela se borne son activité pratique. Toutefois Goethe ne devait pas en rester à ce point de vue. Il était dit que ce génie universel comprendrait toutes les manifestations d’art quelles qu’elles fussent, et nous allons connaître mainte-nant un nouvel aspect de ses convictions et pro-ductions. A Cologne, Sulpice Boisserée avait entrepris une apologie de l’art chrétien et une propagande qui aboutirent à l’achèvement, à l’aide d’une souscrip-tion nationale, de la cathédrale de cette ville. En 1810 il envoya à Goethe quelques planches inté-ressantes. En 1811 il vint personnellement à Weimar, vit Goethe et réussit à convertir — en matière d’art du moins — le grand païen. Et voici que l’illustre vieillard revenant à ses premières amours, s’enthousiasme pour l’art chrétien et pour les primitifs allemands. Il fait en 1814-1815 un voyage sur le Mein et le Neckar pour voir les ruines du château de Heidelberg et les collections 78 de S. Boisserée. Il publie en 1816 une brochure sur l’Art et les Antiquités dans les vallées du Rhin et du Mein et plus tard un essai sur les Peintres de Cologne qu’il comprend fort bien. Il fonde une nouvelle revue Art et Antiquité qu’il dirigera jusqu’à sa mort en 1832, et qui fut la revue la plus éclectique que l’on ait connue. Des articles sur Philostrate s’y trouvent à côté d’autres sur les Primitifs allemands; Léonard de Vinci voisine avec Ruisdaél et Mantegna avec Rembrandt. Assurément la préférence de Goethe pour l’anti-quité subsiste toujours et ne se dissimule pas. Mais, de même que, dans le second Faust, roman-tisme et hellénisme se mêlent constamment, il fait large place à tous les âges et à tous les pays. Il en vient ainsi à voir dans la Renaissance l’époque heureuse et grande entre toutes celle qui sut concilier et fondre en d’immortelles créations les formes anciennes avec les aspirations de l’homme moderne. Cet intérêt accru pour les arts ne reste pas sans influence sur sa propre productivité. Il reprend courage et, après l’achèvement de ses travaux sur la lumière et les couleurs, on assiste à un débor-dement de dessins de la main de Goethe. Ils sont si nombreux et intéressent à ce point leur auteur qu’il réunit les principaux en un album qu’il publie en 1821, en l’accompagnant d’une préface. Que sont ces dessins de la dernière période ? Il est certain que Goethe possède non seulement la technique mais même la routine du métier, qu’il