L’ART ET LES ARTISTES LE RETABLE DE BOULBON et de Suger, cette puissante organisation politique. Dans le domaine de l’art, du reste, ces deux grandes figures paraissent s’opposer, car autant l’un, dans l’austérité de sa doctrine, proscrivait les arts et leur luxe, pour lui dangereux et inutile, autant le second se plut à les encourager de toute façon et son nom est inséparable de l’histoire des arts à cette époque. C’est, en même temps, une période admirable pour l’architecture religieuse; elle se développe dans un processus magnifique qui va aboutir, par une transformation insensible, à un style nouveau. D’autre part, la sculpture est déjà très en avance; l’orfèvrerie, les émaux, les vitraux, la miniature même, qui fleurit dans les cloîtres bénédictins de la France méridionale, montrent un progrès inces-sant des arts. La peinture, à son tour, semble se libérer, s’animer, s’humaniser. Les monuments, encore et toujours, sont fort rares, mais quelques exemples typiques nous restent. Ils suffisent à nous affirmer le lent mais sàr éveil de l’art de peindre. Ce sont d’abord les peintures décoratives de l’église de Saint-Savin (Vienne), depuis longtemps justement célèbres, qui, à la suite de celles du f2 Misé, du Louvre. temple Saint-Jean, à Poitiers, laisseraient croire qu’il v eut peut-être une école de décorateurs dans la région poitevine. Il y a là un nombre important de sujets empruntés soit aux premiers chapitres de la Bible, soit aux scènes de l’Apocalypse ou encore des figtirations du Christ (dans la crypte) ou de la Vierge, qui montrent un progrès marqué dans le sens de la composition, de l’expression et du mou-vement. L’église du Petit-Quevilly, près Rouen, repré-sentant des scènes de la vie du Christ avec une certaine animation expressive; la décoration de la chapelle Saint-Michel à Rocamadour (Lot), avec ses types plus arriérés, encore près d’un byzanti-nisme un peu sauvage et, particulièrement, la petite église du Liget (Indre-et-Loire), si impor-tante avec ses scènes assez nombreuses de la Bible et de l’Evangile et notamment ses grandes et solennelles figures de saints et sa doulou-reuse crucifixion, nous offrent les spécimens précieux d’un art archaïque, embarrassé devant l’expression des formes de la vie, mais déjà d’un style élevé, d’un caractère fortement expres-sif, d’une sensibilité plus éveillée devant les