Le Mouvement Artistique à l’Étranger ALLEMAGNE MOINS inédite, parait-il, que l’exposition japonaise de l’an passé, l’exposition d’art musulman de Munich n’en est pas moins, comme la japonaise, la plus importante que nous ayons vue jusqu’ici. Installée dans les mômes locaux, elle obéira ux mêmes principes essai de classification et présentation des objets un à un, très espacés, au lieu qu’amoncellement pittoresque et orgie de richesses. Il s’est trouvé des critiques, antipathiques sans doute surtout à l’art nouveau d’Allemagne, pour regretter la clarté de ces ordon-aances et cette présentation sobre et sévère sans autres ppréts que du bon ordre. Pourtant elle exclut toute fatigue, tout encombrement; la visite de ces quatre-vingts salles, grandes et petites, très peu remplies devient la plus asante des promenades, le plus passionnant voyage de décou-vertes. Des cavernes d’Ali-Baba auraient pu etre réalisées, ici connue ailleurs, par le mélange des étoffes et des bronzes, des armes et des céramiques, dans des décors appropriés. Ott ne l’a pas voulu, et pour notre part nous croyons que l’on a bien fait. Il s’est agi ici d’étudier et non pas d’éblouir. L’éblouissement toutefois se produit aussi bien à la longue, et j’entends encore le cri du cœur, et qui résume l’impression unanime, d’un jeune écrivain ami que je promenais à travers ces locaux, si frais et si gais dans leur sagesse systématique « Il faut avouer qu’au prix de cet art, le nôtre en est un de Barbares ! s Notre art décoratif ou industriel bien entendu! Et barbares aussi à un autre point de vue, lorsque des pho-tographies nous montrent les déprédations accomplies au profit de nos ;misées sur les monuments de l’erse et d’Asie-Mineure, sans lesquelles vitrines ou parois que voici ne s’orne-raient point de ces splendides et navrantes dépouilles, de ces grandes plaques de céramique bleue, dont la place désormais vide est indiquée soigneusement sur la vue photographique « C’est ce morceau-ci que nous avons enlevé… Vous l’avez sous les yeux, c-contre. s Il faudrait la phone d’un spécialiste pour passer un revue tant d’orfèvreries, verres emaillés, miniatures, reliures, bronzes et ivoires, céramiques et bois sculptés, disséminés dans les trois grandes sections du Sud-Ouest (Tunis, Algé-rie, Maroc et Espagne) — l’art de ce dernier pays, le moins bien représenté — du centre (Asie-Mineure; « Furquie et Egypte) et de l’Est (Perse et Indes). Tous les grands mus ées d’Europe ont été convertis é l’idée du prêt ceux de Vienne au premier rang, puis l’Ermitage avec ses fameux bronzes sassanides, puis ceux de Florence, d’Innsbruck, de Hagen, 84 deCracovie; toutes les collections célébres connues, a com-mencer par bon nombre de françaises et mente quelques-unes qui, jusqu’ici, ne s’étaie’. jamais rendues accessibles à la demande de tels prêts, celles, entre autres, du conne I3obrinskoy (Saint-Pétersbourg), du docteur Martin (Stock-holm) et du docteur Sarre (Berlin). Les garde-meubles princiers d’Allemagne se sont piqués d’émulation, et aussi les trésors des cathédrales et abbayes : Saint-Etienne, de Vienne, Bamberg, Danzig. On a décou-vert à la résidence de Munich des tapis qui, depuis des siècles, n’avaient encore jamais été déroulés et dont la frai-clieur des couleurs contraste plutôt désagréablement avec les tons passés et exquis du merveilleux ensemble que consti-tuent les grands locaux revêtus de ces souples et chauds décors tapis archaïques du Musée d’art appliqué de Berlin (combats de dragons et de phénix); l’immense variété des tapis à vases de fleurs, des tapis à arbres et des tapis-jardins, on tant de problèmes de rythme et de contrepoint sont résolus comme par enchantement, et dont je chercherais rai-ment une analogie définitive, chez nous, ailleurs que dans lae musique de Bach; tapis à motifs chinois ou influencés par des voisinages mongols; tapis de la manufacture impériale d’Ispahan, dont le célèbre grand tapis à la chasse, piété par l’empereur d’Autriche ; tapis de Hérat des xxne et xene siècles, les tapis dits Moud s, du nom de leurs premiers accapareurs, etc. M. Rudolf Mceer Riestahl, de Paris, leur a consacré d’im-portants feuilletons dans les premiers journaux de Munich. Comment inventorier même une seule section dans une aussi courte chronique? Pour le public et la science européens, le plus net béné-fice de pareilles expokitions en sont les excellents catalogues, surtom a leur dernière édition, dus à des spécialistes d’une incontestable compétence, et les magnifiques publications auxquelles elles donnent lieu. Celle que l’on annonce et qui contiendra les cinq cents objets les plus importants de l’Exposition vaudrait d’étre célébrée encore davantage que l’on n’y manquera, si elle n’avait pas trop monopolise le droit de reproduction de tous ces objets. A quoi sert un telle exposition aux six mille peintres. innombrables ouvrierse d’art de NIunich pour ne parler que du public stable, s’il leur est interdit de prendre un croquis on une note sans des formalités difficiles qui équivalent à la complète interdiction? WILLIAM RITTER.