L’ART ET LES ARTISTES taire a dit si joliment un jour, en un mot qui la peint toute : Elle partie, il ne reste plus que chagrin ». A voir son portrait par David, au Louvre, il semble qu’elle souffrit toujours de son existence manquée il y a dans l’attitude et dans les yeux une douceur et une tristesse profondes. Peut-être faut-il attribuer cette mélancolie aux conditions mêmes du portrait. David avait demandé sans l’obtenir, la main de 11″. Vernet, et l’on assure qu’il poussa le ressentiment jusqu’à ne la point sauver en lm, alors que son intervention eùt été efficace. Les séances de pose devaient être pénibles… Emilie Chalgrin est au mieux avec son frère, Carle (I), qu’elle retrouve chez les Sorin de Bonne. Les pastels que M!.. Filleul a tracés de cette fouille, impec-cables de dessin et de coloris, ont une vie intense qui leur donne une valeur docu-mentaire. Jean Sorin de Bonne est très Louis XVI d’allure; la figure bien pleine, souriante, les cheveux rejetés, pou-drés, en deux rouleaux sur chaque oreille, le catogan noué d’un ru-ban noir, solidement campé de trois quarts dans son habit vieux cuivre et son gilet jaune d’où s’échappe le jabot de dentelle. Il est financier, mais on le voit fort bien au Parlement, se complaisant à la gravité souvent aimable des magistrats du siècle. Il est scep-tique, mais brave homme. M »‘. Sorin de Bonne n’est point jolie régulièrement, certes, LOUISE—ANTOINETTE FILLEUL mais que d’esprit et d’ironie dans (PASTEL) où pétillait l’esprit, et l’on assure que jusqu’à sa mort – vers la quatre-vingtaine – elle veillait à ce que fussent chaque jour comblés et nivelés les stigmates que lui avait infligés une petite vérole malencontreuse. C’est elle que nous retrouvons sur une minia-ture de bonbonnière. M.’. Filleul y a reproduit, selon une coutume alors fréquente un portrait de Greuze – une jeune femme (t), une délicieuse petite fille au clavecin, les veux vifs, chapeau de paille avec fleurs des champs sur les cheveux clui-tains, des bleuets sur le pupitre d’acajou. Tout cela d’une harmonie très fondue de couleur et de sentiment, où domine l’admiration atten-drie d’une mère et d’une tante pour M ». Adrienne, qui, dès cinq ans, musicienne, faisait — paraît-il – – apprécier Mozart. Dans cette galerie, d’autres figures se détachent encore. C’est Roger du Quéné, en habit bleu, à raies blan-ches, qui mourut con-seiller au Parlement a Rouen, en 18o9, et dont la physionomie maigre, attentive, aux traits durs et heurtés, aux yeux aigus, rap-pelle certains portraits de Linguet et de Vol-taire. C’est Blanchet de Beauc hère, à la tète altière, le nez effilé, les yeux rê-veurs et impersonnels, superficiel comme un comte d’Artois comme lui élégant dans son habit chaudron et son gilet bleu au jabot de dentelle fine – tout à fait tt dernière charrette ». C’est enfin soeur Adélaïde Bourdet, religieuse Augustine, dont la figure, entre le bandeau blanc et la guimpe éclatante, apparaît lumineuse et simple. M »‘. Filleul peignit encore à la Muette le por-n ait de Franklin. L’illustre américain était descendu chez Leray de Caumont, dont la maison était limitrophe de l’hôtel Travers : c’était un honneur de l’avoir pour modèle et qui marque l’estime de son talent. L’ceuvre rappelle à l’extrême l’admi-rable tête que sculpta Fajon (2). Elle obtint un si (I) L’original est au chIgem de Chènevières diez u. surin de Bonne : coiffure Louis XVI, poudré, robé do moussaine décol-letee, nœud bleuau corsage. (a) Au Louvre, Salle Houdon. — La portrait de Franklin est clic, M. Filleul, au fflteau de Chènevières, près Montargis. ces traits ramassés où la courbe haute des sourcils se prolonge dans le retroussis du nez ! Robe toute simple de mousseline à pois, un noeud bleu à la poitrine ; le tulle e Illusion » de la collerette n’en laisse aucune sur les perfections d’un cou charmant, un peu gras le cou de tourterelle alors à la mode. M.’. Surin de Bonne fut une élégante. Elle eut le souci constant de rendre agréable un visage lr) Dans les papiers saisis en l’an Il, ligure un billet adressé à Cole Vernet, pour l’aviser d’un service pécuniaire rendu à sa sorttr. La signature cst mais l’auteur devait etre peintre si Fon en croit cette suscription amusante et quelque peu cynique r An Moyen Venir, raine, qui mal bien eue recoin man Art’ ,rra„ cher pire pour qu’il O,,,,, Mi/ 67