L’ART ET LES ARTISTES DESSINS, EAUX-FORTES ET LITHOGRAPHIES O Féxxi: BRANGWIN (Galeries Durand-Ruel, 16. rue Laffitte). — Il m’a rarement été donné d’éprouver une émotion aussi profonde que devant ces deux cent dix œuvres dont aucune n’est négligeable ni faible. Et j’estime qu’il faut remonter jusqu’à Rembrandt pour trouver plus belles eaux-fortes. M. Brangwin est un grand artiste. Quel que soit le thème qu’il choisisse palais vénitiens. façades ou intérieurs d’églises, ruines de Messine, ponts. marchés, usines grouillantes du travail humain, bateaux en démolition, etc., il l’élève au style et le remplit de mystère. Ce mystère, cette angoisse et cette beauté sont dus non seulement à l’effet prodigieux qu’il tire de ses oppositions de blanc et de noir, de ses éclairages tragiques. de l’ingéniosité puissante de ses synthèses et de ses arrangements, mais surtout de sa grande émotion humaine. Dans ers paysages infernaux et désolés, le plus souvent vides, c’est l’homme qui est l’étalon de la mesure et le héros du drame. Et sa souffrance et sa gran-deur sont présentes dans les ruines qu’il laisse comme dans les monuments qu’il édifie et les géhennes où il agonise, et toute cette incompa-rable virtuosité n’est ici que pour servir un grand sentiment. M. Brangwin dépasse le point où un artiste s’attendrit pour entrer dans le domaine de la sérénité, mais cette sérénité contient l’émotion qu’elle dépasse, loin de l’exclure. ff, EXPOSITION DES « Pomeres » !Galeries Georges Petit. le. rue de Sèze). — Ce titre bizarre désigne un groupe d’artistes éminemment attachés aux vieilli, traditions et qui veulent protester ainsi contre certaines tendances affolées d’anarchie de l’école moderne. Comme nous les retrouverons pour la plupart aux grands salons du printemps, contentons-nous de citer les envois de MM. Marcel Baschet fun sobre portrait de femme) ; Paul Chabas ; Raphaël Collin ; Dechénaud ; Ensile Friant ; I larpignies, éternellement jeune ; William Laparra ; Jules Lefebvre ; Luc-Olivier Merson ; Richard Miller, aussi subtil et lumineux qu’un Frieseke; Nluenier ; Olive ; Pointelin. le paysagiste rêveur et délicat ; Henri Roter ; Saint-Gerrnier, dont les évocations vénitiennes sont si luxueuses ; Vollon ; Ernest Dubois; Sicard ; Verlet, aux doux modelés, etc.; enfin J.-Felx BoucirErt, dont, dans une salle voisine une exposition particulière dit mieux les mérites et la conscience. Il y a là soixante-trois oeuvres, pour la plupart de plein air, des vues de Hollande, de Bretagne. de I’lle de France. de Freneuse et mène de Paris, où se révèle une vision vraiment délicate et émue de la nature. On sent à les examiner, tout le plaisir éprou,-é par l’artiste à peindre les pelouses et les fleurs, les ciels, les mers, les montagnes. Il le fait avec une sorte d’attention attendrie qui ne voudrait être que scrupuleuse et qui nous communique une douce émotion. Il n’estime pas que la représentation des spectacles de la nature doive être rébarbative, mais bien au contraire se résout-il très franchement à ce qu’elle soit agréable, simplement, comme le furent les spectacles eux-mêmes, si doux parfois. Aussi choisit-il les lieux du monde où il fait le meilleur vivre. Nous reproduisons ici Jour de marché à Middelburg. où l’on verra combien M. Félix Boucher ai pénétré rame mièvre e fleurie de la Hollande. 3■, EXPOSITION QUINQUENNALE DES PRIX DU SALON ur BOURSIERS DE VOYAGE (Grand Palais. avenue d’Antin). — On ne saurait trop approuver l’idée et les tendances de ce sympathique groupe-ment. Leur exposition n’est-elle pas comme le résumé de ce qu’il y eut de remarqué et de remar-quable dans l’effort de nos contemporains. On peut y apprécier l’éclectisme de l’Etat, dont le Conseil supérieur des Beaux-Arts est le truche-ment, son éclectisme et aussi sa divination, car la plupart des artistes récompensés n’ont pas démérité par la suite, loin de là. Qu’on en juge plutôt. Parmi les exposants, nous comptons en effet MM. Jules Adler, cc poète attendri du travail et des travailleurs ; J.-M. Avy. peintre des élégances et de la joie de vivre; Maurice Bompard qui aime la vieille Venise pauvre et pittoresque des rios; Augustin Carréra truculent et violent; Paul Chabas qui sait faire glisser la lumière sur l’eau glissante et mordorée de l’été; Eugène Chigot, aux beaux jar-dins attendris par l’automne; Ferdinand Cormon dont l’éloge n’est plus à faire ; Charles Cottet. chantre tragique de la Bretagne et de la vieille Espagne ascétique et décharnée ; Charles Duvent avec son séduisantfardin du chevalier Tà Florence); Émile Eriant et sa tragique Peine capitale Pierre Gourdault, un peintre plein de force et de verve aux accents somptueux, à la vision nouvelle et émou-vante ; Guillonnet. lumineux entre tous ; Henri-Marti n. un des artistes les plus puissants de notre époque;Julien Lemordant. pathétique et monumen-tal; Nlorisset. aux blondes harmonies ; Georges Rochegrosse. évocateur savant et persuasif de la vie antique ; Jean Roque, hardi jusqu’à la brutalité; Henri Roter et ses belles études bretonnes; Saint-Gerrnier. dont nous venons de parler tout à l’heure; Paul Steck, décorateur de vaste envergure; Many Benne, héritier à la fois fort et distingué du maitre Renner; Antony Troncet, Henri Zo, Jacques Scherrer, Jules Zingg, très fin paysagiste, Roussel. Henri Rousseau, Planquette, Orange, Nluenier. 274