L’ART ET LES ARTISTES Grâce à ce patriciat, le plus ouvert aux choses de l’esprit qu’il se rencontrât en Allemagne, la vie intellectuelle s’y développa très variée et très intense; on y jouait des mystères brillants et des farces plaisantes ; l’imprimeur Koburger était connu dans toute l’Europe. Les arts somptuaires et la sculpture précédèrent la peinture et la gui-dèrent à ses débuts. La peinture franconienne se développa à travers le quin-zième siècle selon une pro-gression très sûre. Dès la première étape, elle mani-festa un sens positif. le désir de traduire la réalité concrète, le besoin aussi de fouiller les âmes. Ces ins-tincts. d’abord trahis par l’insuffisance technique, se forgèrent progressivement l’instruMent capable de les exprimer. Les autels que Maitre Berthold Landauer et ses émules peignirent dans le premier quart du xvr siècle, autel Deichsler, autel lmhof (vers 1420). autel des Franciscains de Bam-berg (4271. sont certes des ouvrages maladroits, mais lesfiguresexpressivesdesper-sonnages, le dessin appuyé, la couleur intense indiquent la volonté de lutter avec la vie. Quelques années plus tard, l’auteur inconnu de l’autel Tucher nous montre sur des fonds d’or historiés de riches rinceaux, des créa-tures humaines qui pensent et qui souffrent. La Vierge reçoit le message de l’ange annonciateur avec un éton-nement douloureux. Le corps du Christ palpite sur la croix. Dans la seconde partie du siècle, les méthodes flamandes pénètrent à Nuremberg. On attribuait autrefois à Michel Wolgemut la direc-tion de ce mouvement; on ne lui concède plus aujourd’hui qu’un rôle secondaire; le chef d’école véritable fut Hans Pleydenwurff. En transfor-mant leur technique, les Franconiens ne modi-fièrent pas leurs tendances: devant les paysages panoramiques, ce fut toujours le drame humain qui les préoccupa, drame intérieur ou contenu que manifestent les expressions et les attitudes, sans mise en scène théâtrale ni gesticulation. Le retable Peringsdùrffer (1487) est la mani-festation la plus complète des conceptions qui dominaient Nuremberg au moment où Albert Dürer y grandissait. Ainsi, par une marche multiple, la peinture alle-mande, dégagée de l’Art monumental et de la mi-niature. se développe au cours du quinzième siècle. Sans doute, elle emprunte beaucoup, demande aux Flandres. après 143o. les éléments presque complets de son langage et elle doit aussi à la Bourgogne, à la Bohéme. davantage à l’Italie. Mais, avec ces concours, c’est sa vitalité propre qu’elle exprime. Il y a une révo-lution technique quand est révélée la science des Van Eyck. mais le sens des efforts de Cologne ou de Nuremberg n’en est pas transformé. L’Allemagne en plein dé-veloppement économique porte, dans la peinture. son âme ingénue, méditative et réaliste, profondément reli-gieuse. Elle n’est pas encore arrivée à son apogée. Au moment où s’achève le quinzième siècle, l’huma-nisme vient élargir les horizons. ouvrir à la pensée des perspectives nouvelles et infinies ; une grande crise morale et religieuse se prépare. Sous cette double sollicitation, la pensée germanique mûrit et, tandis que des maitres vieillis conservent la simplicité de leur inspiration juvénile, une génération grandit qui portera dans la peinture une ampleur virile et une remar-quable puissance. I’•. ‘,ASA.. A A Men h. M ICI IEL PACHER — SAINT AiI,INFIN 256 (A suivre.) LÉON ROSENTHAL.