L’ART ET LES ARTISTES Ph. E. Hermann. Mus. Ce Cologne LE MAITRE DE SAINT-SÉVERIN LE CHRIST DEVANT PILATE daines. Leur art est ingénu et expressif; ils ont un vrai sentiment décoratif ; ils ignorent la perspective, ne cherchent pas à modeler et s’effor-çent de se faire comprendre sans avoir d’intentions proprement artistiques. Tl LE QUINZIÈME SIÈCLE. — LA NAISSANCE DU TABLEAU. ÉCOLES DU NORD, DE COLOGNE, DU RHIN, DE LA HAUTE.ALLEMAGNE, DE FRANCONIE. Vers la fin du quatorzième siècle, les conditions générales se transforment et la peinture prend, en quelques années un magnifique essor. L’architecture gothique, universellement répan-due en Allemagne, perce les murailles des églises de baies innombrables et fait disparaitre les sur-faces réservées jusqu’alors au pinceau. De grandes et riches verrières se substituent aux décorations murales et la peinture, proprement dite, se réfugie sur les autels où se dressent désormais des tableaux à volets. Ces tableaux d’autel sur lesquels se concentre l’effort du peintre, ne sont pas indépendants, et bien qu’ils soient aujourd’hui conservés pour la 246 plupart dans des musées et le plus souvent disloqués, nous ne pouvons en avoir une intelligence véritable qu’en tenant compte des exigences monumentales très étroites auxquels ils devaient se soumettre. Leurs proportions, leurs formes et le nombre de leurs parties étaient imposés à l’artiste. Les jours de fête, lorsque le polyptyque était ouvert, il fallait que les scènes peintes fus-sent visibles aussi loin que possible, à la foule rassemblée. Il fallait que l’éclat des couleurs répondit au luxe descadres scu I ptés. peints et dorés, qui les enchâssaient. La profusion et la complication des bois oeuvrés appelaient dans les tableaux des décors et des accessoires également complexes. La lumière sourde et bigarrée qui tombait des verrières, la richesse même du costume des officiants, tout concourait à obliger l’artiste à forcer le ton. De là, par exemple, l’usage des fonds d’or auxquels les Allemands eurent tant de peine à renoncer. Les peintres sont obligés de suivre, pour les sujets, les programmes qui leur sont tracés, mais ils ne travaillent plus pour les prêtres et. d’ailleurs, sous l’influence fran-ciscaine, les idées religieuses se sont modi-fiées et le christianisme, dépouillé de sa majesté hiératique, parle plus au coeur et est plus voisin de l’homme. Les scènes des Evangiles ont pris, grâce aux Mystères, une réalité et une intensité nouvelles ; l’artiste doit faire passer dans ses compositions quelque chose de l’accentuation forte des drames sacrés ; par besoin de caractériser, il tombe aisé-ment dans la gesticulation et la grimace. Au surplus, il ne s’adresse pas à des yeux raffi-nés. Depuis la chute des Hohenstauffen, les empereurs allemands font une assez pauvre figure et ne protègent guère que par exception les artistes. La noblesse est besogneuse. Au contraire, dans les villes, se développe une bourgeoisie, enrichie par le commerce, puissante, orgueilleuse. Cette bourgeoisie n’est pas cultivée, elle aime le confort, le luxe et favorise une magnifique floraison d’art industriel, mais elle n’a pas le sens de l’art. Elle se passerait de peintres, si elle ne consultait que son agrément. Mais elle est pieuse et le patricien vouedans l’église de sa paroisse un tableau d’autel. pour le salut de son âme, pour écarter des siens les atteintes souvent menaçantes de la peste et, un peu aussi, par satisfaction d’orgueil. Ces travaux importants demandent à l’artiste beaucoup de soin, ils sont mal pavés et ne se renouvellent pas souvent. Il faut que le peintre,