Le Mois Artistique TROIS1ËME EXPOSITION DE LA CIMAISE (Galeries Georges Petit, S, rue de Sège). — A moins d’un but précis comme, par exemple, de célébrer en comm un la beauté d’un certain paysage, on ne peut chercher dans le groupement d’une exposition aucune synthèse. Il y a, comme partout, à la Cimaise, des gens de talent et des médiocres. On les retrouve ailleurs les uns et les autres. Mais, enfin, on les apprécie bien ici, où leurs ensembles sont de dimensions faciles à envisager. Il serait à souhaiter que des expositions du genre de la Cimaise rem-plaçassent peu à peu les grands Salons annuels, si ennuyeux, si confus, si impossibles à décrire. Il me semble bien avoir, l’année dernière, parlé des artistes exposant à la Cimaise. La plu-part n’ont guère eu le temps de faire des progrès. Tout au moins, se sont-ils maintenus en posses-sion de leur talent, comme MM. Marcel Bain, Jacques Beurdeley, Harry Bloomfield, Paul-Emile Colin, Camille Colot, Henri Dabadie, Albert Lechat, Gaston Lecreux, Fernand Maillaud, Jean Rémond. Les derniers reproches que certains amateurs de classifications et d’étiquettes adressaient à M. Edouard Morerod, sur sa couleur, tomberont devant le portrait de Pastora. Ce portrait marque une étape importante dans l’évolution d’un des talents les plus consciencieux que nous ayons aujourd’hui parmi nos jeunes peintres. Aussi soli-dement établi que les meilleurs dessins dans l’ar-mature de son trait, il est en outre d’une matière exquise : dense, savoureuse, luisante, délicate et serrée comme un émail. J’ai beaucoup aimé aussi, dans ses pastels, le portrait de Adn »’ R…, preuve élégante que M. Morerod n’a pas besoin, pour avoir du talent, de se cantonner dans leu genre gitane » la grâce parisienne et mondaine lui est aussi familière, et il la rend avec la même aisance. Au delà dupoint où se tient encore M. Edouard Sandoz dans la simplification des plans de ses sta-tuettes, il tomberait dans l’excès et peut-être donne-rait une impression de sécheresse. Mais, précisément, il estarrivéau degré exact où cette simplification pro-duit l’effet de la plus haute puissance. Agrandies, sans fausser un seul des rapports des plans entre eux, ces petites choses seraient monumentales. Le procédé est connu, certes, et l’art égyptien tout entier basa sur lui ses plus sûrs effets de domina-tion. Encore faut-il une grande science et beau-coup de tact pour l’employer à coup sûr, sans altérer des proportions fournies par l’observation de la nature. M. Edouard Sand°z varie avec beau-coup de finesse l’emploi de ce procédé, selon le caractère du sujet. Ainsi son Petit Porc de marbre rose, quoique traité tout en surfaces planes, donne-t-il (à cause du nombre et de la petite dimension de ses surfaces) l’impression d’une chose ronde et roulante, puérile, petite, tandis que sa Chouette de marbre jaune, haute comme un tanagra, apparaît colossale et mystérieuse. Si, à ces caractéristiques importantes, se recon-naît l’homme de volonté, l’artiste se décèle, en M. Edouard Sandoz, à des détails qui ne trompent pas : ainsi les poses où il traite ses animaux, comme la matière élue pour les sculpter, sont tou-jours les plus rares possible, sans être imprévues. Tout est le résultat d’un choix subtil et rapide qui, d’ailleurs, doit être involontaire. Ne méconnaissons pas le charme des Petites Danseuses de M. Henry Bouchard, ravissantes d’attitudes, et du même : Jeune Fille à la Gakylle. M. Henri Vallette a beaucoup de talent : son Chat couché, en grès, est une chose excellente. Les lustres et les lanternes de M. Paul Brindeau de Jarry atteignent la perfection du genre. Une cer-taine lanterne au motif de Souris, surtout, était exquise. Mais il fait aussi des lampes, des boucles, des couverts, des clefss qui attestent le même sen-timent délicatement décoratif et le même respect de la matière du cuivre et du fer, qui sont ses métaux préférés. M. Léon Cauvy fait parfois, par exemple, dans certains Marchés d’Alger, songer à Brangwin, et je pense que ce n’est là qu’une coïncidence. M. Edgar Chahine ne se consacre plus qu’à Ghenuna. Mais Ghemma est une jeune personne qui vieillira avant d’avoir fini de fournir des poses originales à ce maître de la pointe sèche. La Robe Jaune, de M. Théodore-Auguste Desch, est une manière de chef-d’oeuvre. M. Rodolphe Fornerod semble décidé à renoncer, peu à peu, aux gris et aux craies qui assombrissaient et empâtaient sa palette. Sa Femme en gris marque un grand pro-grès. Mais il ne perd point pour cela la force un peu brusque, un peu austère, qui fait le fond de son talent. 275