L’ART ET LES ARTISTES mécanique, utilisé avec goût, semble avoir atteint son point de perfection : c’est ainsi que j’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de signaler à mes lecteurs La Grèce, où le texte de M. Daniel Baud-Bovy encadre les photographies de M. Fréd. Boissonnas ; il est donc inutile de me répéter et de dire ce que j’ai dit à ce sujet, notamment dans une étude parue ici-même en 1909. Pour ce qui est de la mise en pages, on s’est efforcé de la varier, de l’assouplir, dans les livres illustrés par la photographie. On a découpé les clichés, on les a jetés dans la marge, dans le texte, un peu partout, et le meilleur exemple que j’en puisse donner sont les prospectus édités par la maison Draeger frères, qui sont des chefs-d’oeuvre du genre. L’illustration par le peintre, dessinateur ou gra-veur, qui semblait abandonnée, du moins pour les ouvrages et publications à bon marché, connait un renouveau de faveur. Il s’est formé des sociétés de bibliophiles, qui ont fait appel à d’excellents ar-tistes; les Salons ont réservé une place à l’exposi-tion des livres illustrés, et je n’ai pas besoin de vous indiquer les très beaux ensembles que M. Gal-limard a su grouper au Salon d’automne, où tout le monde a admiré les illustrations de Maurice Denis pour La Vita Nova, et celles de Dresa, infi-niment souples, hardies et spirituelles, pour Les Contes de Voltaire. Et, s’il y a beaucoup de peintres qui emploieraient plus judicieusement leur sens de la couleur à faire de la céramique, il en est beau-coup d’autres qui utiliseraient à merveille leurs sens du dessin et de la composition dans l’illustra-tion des livres. Ainsi par exemple, pourquoi ne demande-t-on pas à M. Cappiello d’illustrer des livres. Ce serait délicieux. C’est une erreur de croire qu’il y a de grands et de petits genres : tous les genres sont bons, hormis le genre ennuyeux. D’autre part, les périodiques font appel à des artistes soit pour des caricatures, et à ce propos le Salon du Rire a été très utile en nous révélant beaucoup de talents insoupçonnés, soit pour des dessins d’actua-lité et de mode, quand il a été impossible de pho-tographier la scène. Enfin les maisons d’édition ont eu recours elles aussi à des artistes, pour illus-trer des romans à bon marché : Calbet y est passé maitre (La Leçon d’Amour dans nn Parc); Poulbot (Poil de Carotte); Prinet (La Jeune Fille hien élevée). Il nous est même arrivé d’acheter des romans —je ne parle pas de ceux que je viens de nommer -à cause de leurs images. Dans ce, publications, l’artiste donne à l’éditeur une aquarelle ou un dessin, qu’on photographie ensuite, et on repro-duit le cliché par la simili-gravure sur papier couché. Il serait préférable évidemment que le dessin fia confié à un bon graveur sur bois, et l’impression faite avec les anciens procédés; tuais on n’est pas sûr, prétend-on, de toujours trouver le bon graveur sur bois, et l’eût-on trouvé, que la nécessité de tirer à un grand nombre d’exemplaires, nécessitant l’emploi de la presse mécanique, pro-voquerait bien vite l’anéantissement de la planche gravée. Et, encore, faudrait-il trouver un artiste, cet admirable Paul Colin par exemple, qui sût composer son dessin spécialement en vue du travail technique de la gravure. Ce sujet est inépuisable. Quelques mots, pour terminer, sur la manière dont les images hors texte sont, non pas mises en pages, mais réparties dans le livre. Les éditeur: allemands, pour leurs monographies d’art, par exemple, ont adopté le parti de grouper en bloc, le texte, puis les images, enfin les catalogues. Il en résulte une certaine monotonie; et d’ailleurs les héliogravures, qui doivent ètre montées sur onglets dans le brochage, se prêtent malaisément à ce mode. Les Français mélangent plus volontiers texte et images ; la librairie 1-hachette, dont je signale le beau livre de Seidlitz, sur l’estampe japonaise, entremêle des suites de texte et des suites d’images; enfin je signa-lerai comme un effort très intéressant, la série des publications, d’après les chefs-d’oeuvre de l’art japonais, par la maison Shimbi Shoin, de Tokio, dont on a vu, le mois dernier, une exposition au musée des Arts décoratifs. Voilà, dans ses grandes lignes, l’état de la ques-tion du livre. Je ne prétends pas avoir épuisé le sujet, je n’ai pas voulu dresser le palmarès des artistes et des éditeurs intéressants, mais indiquer leurs tendances et suggérer à mes lecteurs quelques réflexions de simple bon sens. LÉANDRE VAILLAT. 274