L’ART ET LES ARTISTES me semble une hérésie digne du feu, diminué la marge et enfin la grosseur du caractère il en est résulté des livres à peu près illisibles qui ressem-blent, si vous voulez, à des journaux, mais non pas à des.live.). En opposition à cet exemple déplorable qui se généralise, je veux vous citer l’admirable col-lection des oeuvres de Guy de Maupassant, éditée par M. Couard et imprimée par notre Imprimerie nationale. La proportion entre le caractère et la justification d’une part, entre les blancs et les noirs, entre l’épaisseur, la largeur et la hauteur, y est parfaite. Je crois donc que l’harmonie résulte moins du caractère en lui-même — qui a évidemment une beauté singulière et dont on possède une très grande variété, susceptible de s’adapter à tous les genres d’esthétique et de littérature — que de l’adaptation de ce caractère aux mesures de la page, du livre, enfin à la rouleur et au grain du papier. Evidem ment, la question de l’encre joue un grand rôle. La plupart des encres dont on se sert aujourd’hui sont délébiles, et je suis persuadé que d’ici un demi-siècle bon nombre de livres ne seront plus que les ombres d’eux-mêmes: tant mieux pour la plupart, tant pis pour quel-ques-uns. Ainsi en a pensé le gouvernement de l’empire allemand qui réglemente l’usage des encres et impose aux éditeurs de prélever sur leurs tirages un chiffre déterminé d’exemplaires imprimés avec une encre définie, offrant des garanties suffisantes de durée. Il serait à souhaiter qu’on adoptât, en France, une mesure analogue, sans quoi notre génération risquerait fort de ne pas passer à la postérité. Quant au papier lui-même, ce n’est plus un secret pour personne que le papier fabriqué avec du chiffon a été remplacé presque partout, dans l’usage courant, par des papiers de plantes indi-gènes et surtout des papiers de bois. Des forêts entières sont rasées, broyées, et le papier n’en est pas meilleur, au contraire… et, là encore, je crois qu’il serait excellent d’adopter des mesures pareilles à celles dont j’ai parlé plus haut à propos des encres d’imprimerie. Enfin, l’on sait que ce papier a reçu une préparation spéciale pour rece-voir l’impression des images par la photogravure qui reproduisent des images obtenues par la photo-graphie, et que cette préparation elle-même est un danger… hélas! nécessaire pour le papier qu’elle recouvre. Ici, nous touchons à une question capitale l’illustration des livres. le veux établir tout d’abord une distinction il y a d’une part les livres illustrés par des artistes, peintres, dessinateurs, graveurs, et 273 d’autre part les livres illustrés par les photographes. Les premiers relèvent de l’Art, les seconds d’un procédé mécanique qui, en aucune manière, ne peut être considéré comme un art. On me répliquera qu’il s’agit là d’idées géné-rales, banales presque, tant elles sont évidentes, et que personne ne songe à contester. Pardon ! il y a dans chaque vérité générale, banale, si vous voulez, une part d’actualité qui la rend plus inté-ressante, plus caractérisée. Je ne nie verrais pas obligé d’être si catégorique si, depuis quelques années, l’organisation de Salons de l’holographie (parfaitement! méditez cette étiquette) n’esssayait précisément de donner le change sur un métier qu’on peut exercer avec un certain goût, c’est entendu, mais qui n’a été et ne sera jamais qu’un métier. Le photographe pourra, c’est entendu, choisir avec goût son point de vue, attendre pa-tiemment la lumière favorable qui divinise toutes choses, niais il ne fera jamais, après tout, que presser une poire en caoutchouc et demander à des agents chimiques ou physiques d’accomplir mécaniquement le travail que le peintre, dessina-teur ou graveur, demande à son œil, à son cer-veau, à sa main. Il ne faut pas confondre le goût et le talent : une couturière qui rassemble et groupe des chif-fons, fait preuve de goût; dira-t-on qu’elle a le talent d’un peintre qui choisit lui aussi et groupe des tonalités. Il suffit cependant de mettre en face l’un de l’autre, deux livres illustrés par l’une ou l’autre manière, et de les compare, ici — je n’ai pas besoin de préciser de quel côté — choix, simplifica-tion, synthèse, attention du spectateur volontaire-ment conduite sur certains points, relief étonnant ; là, diffusion, confusion, absence d’interprétation, impossibilité à séparer le bon grain de l’ivraie, sinon par des truquages assez grossiers. La diffé-rence éclate surtout quand il s’agit de la mise en pages : autant la fantaisie souple d’un artiste se plie facilement à l’encadrement du texte, autant un croquis è jeté » à propos dans les caractères d’imprimerie, les équilibre parfaitement, autant la proportion des blancs et des noirs est facile à atteindre en mêlant des gravures, dessins ou aqua-relles à des caractères, autant d’autre part il est malaisé de réaliser un équilibre entre des caractères d’imprimerie et des photographies où les noirs sont toujours prépondérants, où il n’Y a jamais de réserves de blancs. Mais ce n’est là, bien entendu, qu’unie question doctrinale. On sait le progrès formidable des livres illustrés par la photographie; elle a donné, véritablement, tout ce qu’elle peut donner, et il faut la juger non pas d’après la géné-ralité, mais par quelques exemples où le procédé