L’ART ET LES ARTISTES se trouve à cent coudées de la peinture des contem-porains du peintre, et c’est à bon droit que Félix Fénéon les a définies, il y a déjà vingt ans, en par-lant de leur florentine élégance. M. Maris, né à La Haye, habitait cette ville pen-dant sa jeunesse. Un voyage en Suisse, d’où il rap-porta d’incomparables impressions de Lausanne (souvent appelées à tort de Fribourg), eut une influence assez grande sur son développement. Certains détails, les sveltes tourelles de la cathé-drale et du Château, se retrouvent dans ses œuvres ultérieures, car Matthys Maris n’est jamais exact, local, tout en donnant toujours l’impression de la Il lui arrive souvent de placer dans quelque paysage brumeux, vu par lui seul, une vague silhouette de château médiéval, réminiscence de ses voyages de jeunesse, dominant des massifs de bouleaux et de trembles graciles et argentins, étu-diés pendant son enfance, dans les dunes, aux environs de La Haye. Mathieu Maris a un a ail » merveilleux et une memoireétonnante.Etant fortement nourri d’études consciencieuses et précises, il ne recourt plus, depuis bien des années, à la nature, qui sensible le gérer même parfois dit-on… Ses visions s’élaborent et prennent corps dans le LES QUATRE MOULINS » (1871) réalité. Il élabore lentement, très lentement, ses tableaux, les repeignant sans cesse, à la recherche d’une absolue harmonie de lignes et de tons, et souvent il arrive que ce n’est qu’après de longues années de travail assidu qu’il se déclare quelque peu satisfait et laisse une toile quitter son atelier. L’anecdote suivante caractérise bien sa concep-tion de l’art : quelqu’un admirait chez lui une grande photographie de la Gioconde, et dit n Quel beau tableau! » Maris répondit : a Ça, un tableau, allons donc ! C’est une œuvre ; des tableaux, il y en a des masses à la si Royal Acadé-my »; mais des œuvres d’art… » silence de la nuit, dans son petit atelier paisible de St. John’s Wood, à Londres. Mais ce don de mémoire, toujours il l’a eu à un haut degré, et il a même exécuté des portraits entièrement de souvenir. Aussi il a fait, d’après une mauvaise photographie, une merveilleuse Vue d’ilniaerdenn, et plus tard, de la même façon, une incomparable Vue du vieux Monl,narlre. Ses figures, petites princesses, jeunes fiancées, naissent, sur-gissent de la même façon, par la puissance évoca-trice de l’esprit. Beaucoup de peintres condamneront cette ma-nière de travailler et parleront de a chic n, de con-a68