L’A RT ET LES ARTISTES des demi-teintes. Venez au plein so-leil, dans le jour cru. Là nous allons tenter de com-prendre. Plusieurs cou-leurs juxtaposées ne valent pas seule-ment par leur qua-lité individuelle. Elles sont vues en-semble. Elles jouent en une multitude d’actions et de réactions dont in-tuitivement nous combinons le résul-tat. Tel rouge, tel bleu se complètent, se mettent mutuellement en valeur. Leur assemblage sera quelque chose de plus quàmx-mêmes, ajoutera un sens nouveau à leur caractère propre. Et c’est à coup sûr une musique peu banale que la gamme des couleurs faisant une symphonie. Par quelles lois d’harmonie tous ces chocs lumi-neux parviennent-ils à nous émouvoir? Par quelle séduction du rythme, des proportions justes ? Car cette beauté échappe à l’analyse. Elle appelle un sens inconnu qui, par l’intermédiaire visuel, épa-nouit notre goût inné de l’équilibre. Pourquoi cet ornement symétrique et cette tache uniformément répétée? Pourquoi ce blanc cerclé de gris et cet autre blanc, le même, si dissemblable parmi les fleurons jaunes? — Pourquoi, répondrai-je, le charme des pâque-rettes ? Leurs pétales en forme d’ailes ou leur coeur d’or. André Méthev ne dessine pas. Il ne veut pas dessiner. A quoi bon ? Est-ce que la nature des-sine? Est-ce qu’elle se préoccupe d’aligner ses parures en formes rigoureuses, mesurées au com-pas ? Non. Elle est bien trop riche et trop féconde dans sa variété. Elle crée. Elle pousse le jet puissant de sa floraison multiforme. Peu lui importe l’exac-titude, la précision des traits. Ce n’est pas elle, c’est l’homme qui a inventé la géométrie. Ainsi fait la nature. L’artiste procède d’une inspi-ration analogue. Ayant surpris le secret de la vie créatrice, il projette dans la forme les fantaisies inépuisables de la matière conquise. Il répète idéa-lenteur le geste d’où est sortie l’oeuvre même de Dieu. Dieu l’énergie cosmique, si l’on veut, le grand l’an, la force vive oit le monde puise son origine et sa durée. Car le rythme, en son essence, est un. Nous le sentons inconsciemment parce qu’il régit notre propre substance. Il est la formule profonde qui nous relie à l’univers. Nous avons le rythme inscrit en nous. C’est par cette correspondance intime que la beauté nous touche. Et cette beauté, qu’elle prenne la forme d’un temple grec, d’une symphonie classique ou d’un plat colorié, c’est le rythme naturel et divin qui réside au fond de nous-mime. J’avais été frappé par cette analogie du jeu dus couleurs et des sonorités musicales. Elle m’expli-quait de quelle manière l’esthétique de Méthey sollicite et conquiert notre émotion. Y attrait-il donc une musique pour les yeux ? La danse, la ligne mouvante du corps humain traçant des arabesques, les touches vives ou légères se profilant en variationssurle fond du décor, la répétition symétrique des attitudes, le dessin mo-bile des grou-pes compo-sant et décom-posant sans cesse les niasses et les contours, la danse, cette musique du geste, n’est-elle pas la forme la plus sensible du rythme ? Les compo-sitions de Né-they fixent ce rythme en figures immua-bles. Elles évo-quent les mê-mes accords, les mêmes ca-dences. Pour la joie confiante de nos ye4,, elles chantent leur musique 264