L’ART ET LES ARTISTES Pbol . Brogi. Sienne: Mont GROUPE DE COURTISANES (DÉTAIL D’UNE FRESQUE DE LA VIE DE. SAINT RENDIT ») pour aimer. Mais au regard jeté vers la couronne que lui apportent deux anges, on devine que l’amour de ce voluptueux s’est tourné tout entier vers Dieu : dévotion un peu inquiétante qui s’ac-corde mal, semble-t-il, avec l’austérité chrétienne, mais dont l’Eglise du xvr siècle s’accommoda cependant sans restriction. Ainsi, avec les années, le maître arrivait comprendre que la sensualité n’est pas tout l’amour. Pour se servir de termes démodés mais qui vinrent sans aucun doute sur les lèvres de ses contempo-rains, après avoir exprimé dans sa jeunesse l’ardente ivresse de l’amour profane, le chevalier Sodoma, les sens apaisés, s’acheminait vers les cimes plus pures de l’amour sacré. Pénétrons dans la chapelle Sainte-Catherine; négligeons l’admirable fresque de l’Exécution de Nicolas nid° pour ne voir que l’Evanouissement et l’Extase de la grande sainte siennoise. Deux groupes de trois figures de chaque côté de l’autel de marbre qui renferme la tête de la Dominicaine; on ne regarde point le Christ et la Vierge planant au-dessus des deux scènes. Dans la première, la sainte qui vient de recevoir les stigmates dont on voit sur ses mains les taches triomphantes, s’est affaissée; deux religieuses, effrayées et silencieuses, la soutiennent. Dans l’Extase, la sainte est agenouillée, les mains crispées, les yeux fixes, dans une immobilité pétrifiée; elle est assistée par deux de ses compagnes, vêtues comme elle de la robe blanche et noire des Dominicaines. Quelles que soient la beauté, la force impérieuse et troublante de l’Extase, c’est devant l’Evanouis-sement qu’on revient toujours; on ne se lasse point de s’en émouvoir. Ce corps défaillant révèle à je ne sais quels signes les transports inouïs qui l’ont pos-sédé. Puissance incroyable des grands créateurs! le maître, dans une femme pâmée a su exprimer toute la terrifiante intensité du drame intérieur qui vient de la bouleverser et de l’abattre. Rien de la fausse et plate dévotion du Carrache et du Guide. C’est au fond d’une âme que le peintre nous fait péné-trer. Une âme tendre, brûlante, caressante, débor-dant d’amour et de passion. Le cavaliere Sodoma 251