L’ART ET LES ARTISTES SUISSE L faut bien en reparler. Les marchands allemands ne I se lassent pas de nous envoyer à Bille et à Zürich la produc-tion des néo-impressionnistes, ils » alimentent le marché et puis des Gauguin; il y en a dix actuellement exhibés â la galerie Wolfsberger à Zürich; il y en a eu récemment une série à Bille. Il y en a davantage en Allemagne que dans tout Paris, ou d’ailleurs, les marchands vont lancer d’autres « ‘mitres» de leur fabrication. — Nos deux grandes villes confédérées sont d’excellents s débouchés» pour le syndicat marchand Paris-Münich-Berlin. — Très gobeurs nos bour-geois se/téteront pendant quelques années encore ce qui leur sera servi comme le dessus du panier de l’Art français actuel. Les cubistes ont éte vus à Zurich et Bille ainsi que les futuristes; ils déposeront je le souhaite leur marchan-dise dans lés Salons de braves bourgeois très fiers de « voir rouge » et ces périodes plus ou moins comiques se suce édens sans les lasser, tant le snobisme est un courant insurmon-table; elles se suivent d’ailleurs sans se ressembler absolu-ment, ce peut donc être amusant. Manifestations bien accueillies et tôt oubliées qui ne laisseront pas plus de traces que le diabolo, la matchich et les rose-croix. Ce diabolique esprit parisien exerce ses ravages partout où il passe et c’est bien à lui qu’on doit l’identification exacte de la « poire ». L’amateur qualifié de ce surnom savoureux se distingue de suite par sa défiance des choses qu’il comprend, il ne reprend confiance que dans l’obscurité complète, il n’est à l’aise que devant le charabia pictural où sa raison chavire. Parfois il veut savoir, c’est rare, et voici ce qu’on lui répond en ce spirituel croquis de Faivre du Figaro deux marchands aux traits accentués, plus le rabatteur et l’amateur assis devant le tableau qui lui est présenté : » Voulez-vous me dire ce que ça représente ?». « Au bas mot vingt-cinq mille francs». Cette importation ressemble à celle de la Valse chaloupée de vos Aboulies rouges en grande faveur partout aujourd’hui dans les salons, après expédition préalable en Amérique d’où elle est réimportée avec ses grandes lettres de natura-lisation sous le nom de double boston. Alors le snobisme l’a imposée et c’est tout à fait édifiant. Donc après les cubistes et les futuristes nous aurons les intentionnistes, les exhibitionnistes et enfin, je le souhaite sans oser l’espérer. les abstentionnistes. Nous nous conten-terions volontiers de lire «leurs critiques» quicontinueront ô logique! de nous vanter dans une forme impeccable, élégante et pure, sans déformation surtout, les difformités les plus grossières, ne révélant dans leur pauvre expression qu’ignorance et absence de toute pensée directrice. Pendant tout ce temps qui parait long après tout, nous ne voyons jamais aucune oeuvre de vos grands et vrais artistes de ceux qui sont bien l’honneur de l’Art français. Faut-il se résigner? C’est donc avec un s’il plaisir que je vous signalerai l’excellent artiste Suisse, né à Genève de père et mère dau-phinois, qui nous donne de la montagne vivante, c’est-à-dire de son paysage et de ses habitants, la plus intéressante interprétation que nous ayons connue jusqu’à présent. Il expose en ce moment à Zürich une série de quarante pein- tures, dix-sept pastels, aquarelles et dessins, plus douze eaux-fortes et j’enregistre cette fois avec plaisir que les Zurichois ne se sont pas trompés en lui achetant le plus grand nombre de ses œuvres et cela en dehors de toute influence des courtiers allemands et de leur critique. Le fait est que nous sommes en présence d’un n’es beau et très savoureux peintre sans lyrisme d’ailleurs, plutôt froid et méthodique, soigneux, mais d’un goût trés sûr et d’une parfaite conscience. Il s’est fait depuis quelques années une on très neuve et simplifiée qui le classe comme le meil-leur et le plus individuel, me semble-Pil, de nos peintres de tableaux à tendances nettement décoratives. Ajoutez qu’il est un coloriste robuste ou délicat comme il le veut. C’est en Valais, dans les villages d’Hérémance et de Saviêze qu’il peint cette vie du montagnard identique depuis des siècles, et dont les costumes d’autrefois sont encore portes. Sa Batteuse de beurre, figure grandeur naturelle, a obtenu le plus vit succès, il s’éléve vraiment au style dans ces vigoureuses silhouettes; il enferme dans des conteurs précis et justes, sans dureté, des formes amplifiées et carac-téristiques de montagnards, faisant corps par des valeurs exactes avec de beaux fonds rustiques également solides dans leur affirmation et leur exécution, des profils architec-turés de la montagne, de chalets aux bois éclatants de couleurs, de cimetières fleuris, de chapelles blanches avec d’adorables sous-entendus de colorations aussi délicates que nuancées. Ne cédant rien au bluff, détestant la déformation imbécile autant que la rigidité géométrique, il donne la sensation décorative de tout ce qu’il retrace sur la toile. Dans quelques jours s’ouvrira à Dresde (sur invitation faite à l’artiste! une exposition particulière de ses œuvres. Il est certain que votre éminent correspondant d’Allemagne vous en parlera avec sa clairvoyance et sa compétence habi-tuelles et il y aura grand plaisir. Il serait à souhaiter enfin que ce bel artiste reçut pareille invitation à Paris, d’un Petit, d’un Durand-Ruel ou d’un Drues. Vous seriez en présence de l’oiseau rare, d’un artiste personnel à la puissante empreinte. CHARLES GIRON. Echos des Arts Deux oeuvres de Carpeaux. A côte des merveilleux portraits de Ricard actuellement exposés au Jeu de Paume et sur lesquels notre éminent collaborateur Gabriel Mourey écrit ici-même une si remar-quable étude, on peut admirer quelques-unes des belles œuvres d’un des plus grands statuaires qu’ait produits la France le délicieux et fort Carpeaux. De ce génie, nous reparlerons plus longuement. Mais pour l’instant nous ne pouvons résister au plaisir de reproduire deux de ses oeuvres les plus curieuses : un buste en marbre, de toute beauté, de la baronne Sipierre et une petite tête en terre cuite d’après l’Impératrice Eugénie, absolument inédite, et dont voici l’histoire Un jeune praticien de Carpeaux ayant été guéri par le 94