L’ART ET LES ARTISTES modernes, raisonnait tour le temps sur sou art. Il raisonnait d’autant plus que la pensée métaphysique et l’observation visuelle s’enchevétraient chez lui d’une façon très singulière. M. Séaillesa eu soin de bien mettre en relief cette caracté-ristique, oit siége lesecret de l’originalité de Carrière. Il rapporte pieusement de nombreux aperçus du niante con-cernant tantôt les méthodes picturales, tantôt les choses sociales et l’humanité. Tous rendent témoignage de l’uni-versalité d’intelligence et de la générosité de cœur de celui qui Ics énonça. Alfred Dehodencq. — La Société de propagation des livres d’art a publié un ouvrage de M. Gabriel Séailles sur le grand orientaliste Alfred Dehodencq, qui se recom-mande à mus ceux qu’intéresse l’histoire de l’art français siècle. Les nombreuses reproductions de dessins nous montrent que ce grand coloriste fut un grand dessi-ateur. Il a l’intelligence de la forme et le sens du mouve-ment; il sait, dans le rythme d’un corps, mettre comme l’accent d’une race ; il voit les groupes d’ensemble dans leurs lignes et dans leurs amasses; il construit une foule toute à la fois, comme un vivant complexe, dans l’unité de la passion collective et la variété de ses expressions indivi-duelles. Les admirables hors-texte de Marcotte gardent l’impression de la peinture ardente, laissant sentir, avec la verve de l’exécution, les audaces du coloriste puissant. Le texte de M. Gabriel Séailles est ainsi commenté, soutenu par de visibles images qui en justifient les conclusions. Daus le talent d’Alfred Dehodencq se concilient et cons-pirent le réalisme de l’observation et la fantai9e passionnée. L’Espagne, le Maroc, pays comme accordés â son génie, lui donnent la réalité de son réac. Une insensible transition relie l’étude scrupuleuse de la nature à l’invention de l’artiste. C’est ainsi sous l’action directe des choses, la volonté d’en dégager le vu et le caractère, qu’il peint ses tableaux espagnols, ses danses, ses marches et ses haltes de Bohémiens, dans le draille de la vie primitive, toutes les races qui se coudoient au Maroc, Nègres du Soudan, Maures, Berbéres, Juifs tour à tour humbles et superbes. Il nous est assez facile de marquer aujourd’hui la place qu’occupe Alfred Dehodencq dans l’histoire de la peinture française au mar siècle. De son temps on le connut mal et on se soucia peu de le comprendre. On voulut voir en lui un morainique attardé, on s’en prit ms sujets qu’il traitait sans s’inquiéter de la maniere dont il les interprétait. Deho-dencq ne nous apparait plus connue l’imitateur de Dela-croix, ais bien plutôt comme le précurseur de l’école qui, se dégagmeant du lyrisme romantique, revient à la nature et y cherche ses inspirations. Si r, le romantisme est une fin 0, comme il le disait lui-même, par son sens du type et de la physionomie, des climats et des races, par le réalisme de son dessin et de ses couleurs, il rejoint Delacroix â Courbet, et parfois méme, au delà, fait pressentir l’ouvre de Monet. Les Grands Artistes. — Vient de paraitre Théodore Rousseau, par PROSPER Dorante. lin volume in-8′ illustré de 54 planches hors-texte. Broché 2 fr. 5o. Relié fr. 5o. (Envoi franco contre mandat-poste â M. H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon, Paris.) Rien de plus émouvant que l’existence de Théodore Rousseau, admirable artiste acclamé à. ses débuts ms expo-sitions de peinture parune jeunesse avide de renouveau, puis, durant quinze années, condamné par l’ostracisme du jury à une vie d’obscur labeur, et, après sa réapparition aux Salons, obligé de reconquérir l’opinion. Cette existence 96 n’avait fait encore l’objet d’aucun ouvrage â la portée du grand public, et Rousseau, admiré de tous n’en restait pas moins pour beaucoup une figure insuffisamment déterminée. M. Prosper Dorbec s’est surtout attaché à évoquer d’abord le peintre dans le leu de la bataille romantique, puis il Pa résumé, lui et sou art, d’un trait a la fois précis et chaleu-reux. Sur la Via Emilia, par GABRIEL FAURE. Edition à tirage restreint; prix 5 francs. (Paris, chez Sansot & C10, 7 et 9, rue de l’Eperou). On retrouvera dans ce livre aimable, délicat et doux les Mimes senti ments qui faisaient le mérite de Heures d’Ombrie et de Heures d’Italie. L’auteur nous emmène, cette fois, le long de cette voie Emilia, chef-d’œuvre de l’intelligence romaine, merveille stratégique et politique. Et, en chemin, il s’arréte à Plaisance, à Parme, â Modène, à Bologne, à Rimini. Ces villes, qui ne sont pas les plus connues rie l’Italie, sont belles cependant, et M. Gabriel Faure sait nous en dire le charme nostalgique et ;désuet. Puis des artistes, doux ou puissants, le requièrent, comme Corrège, connue Jacopo della Quercia, comme l’ingénieux Alberti. Il chérit d’un amour égal et divers les paysages riants nu mélanco-liques qui lui sont proposés le long de la route. Mais il semble bien que ce qu’il y a de plus précieux dans ce livre, c’est la sensibilité si attendrie, si moderne, qui l’imprègne, a la fin surtout, au moment des adieux à cette terre bénie, rêve et souvenir immortel de toutes les ames d’artistes. Petites Monographies des Grands lidifires de la France. —Vient de paraitre : La Cathédrale de Reims, par L. DENIAISON, archiviste de la Ville, correspondant de l’Ins-titut. lin volume illustré de 44 gravures et t plan. Broché, francs; relié toile souple, z fr. 5o. (Envoi franco contre tnandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon, Paris). Parmi les édifices religieux de la France, la rellehlrehfde Reites occupe sans contredit l’un des premiers rangs par la perfection de son architecture et la richesse incomparable de son ornementation. Les artistes, les archéologues, voire métne les simples amateurs, aueilleront sans nul doute avec faveur la notice qui vient decc lui etre consacrée dans la collection des Petites Monographies des &ends lidifices de la France et dont l’auteur, M. L. Demaison, s’est voué depuis nombre d’années à l’étude de ce beau monument. Dans cette monographie, une place très large a été accor-dée à l’histoire. M. Dernaison fait connaître la mite des architectes qui se sont succédés depuis l’origine de la cons-truction jusqu’au ove siècle. Il s’est efforcé de donner un r65unté ti, précis de ses travaux antérieurs et d’exposer succinctemmt le résultat de ses recherches, qui l’ont amené à soutenir en beaucoup de points des conclusions bien dif-férentes de celles qui ont été admises par ses devanciers. La description de l’édifice qui vient après l’exposé histo-rique est aussi complète que l’a permis le cadre de l’ou-vrage. Pour les questions souvent fort difficiles qui se posent à propos de l’iconographie, on n’a pu naturellement entrer dans aucune discussion. On s’est borné à présenter les interprétations certaines, en restant pour toutes les explica-tions douteuses sur une prudente réserve. Les reproductions photographiques qui illustrent le livre, dues en partie à des personnalités rémoises, nous montrent la cathédrale sous ses divers aspects et dans ses principaux détails. Plusieurs des sujets représentés n’ont pas encore figuré dans les publications antérieures et auront ainsi l’at-trait de la nouveauté.