grâce auxquels la peinture floren-tine n’a jamais cessé de dépendre esthétiquement de l’architecture et de la statuaire en ses principes de composition et d’exécution. Sous cette évolution d’art, une évolution morale s’est poursuivie : La personne morale de l’artiste, son indépendance, ses droits ima-ginatifs, son prestige corporatif, son influence sociale, son autorité idéologique, voilà l’ceuvre secrète des Trecentisti et surtout des Quattrocentisti, par eus brusque-ment affirmée à la face du monde avec l’appui des princes. Tout en faisant de l’histoire religieuse et du dogme leur sujet unique, intan-gible, officiel, — les artistes n’ont cessé d’introduire subtilement dans le sujet unique le tragique, le pathétique, la passion, la beauté formelle. Et le jour où, sous l’ir-résistible pression de l’Antique ressuscité, les papes eux-mêmes ont admis les figures des dieux de l’Olympe et des philosophes païens sur leurs propres murailles, l’art se trouva tout prêt à les exprimer, grâce à son infraction précédente à la lettre du dogme. Picturalement, il n’est pas tout à fait juste de dire que Léonard soit l’aboutissement d’une aussi riche évolution isolé dans sa perfection, s’il est le plus puissant physionomiste qu’on ait encore vu, la restriction de son œuvre laisse intacte la gloire des fresquistes. Mais, moralement, Léonard est bien — et là est le secret de l’admiration effrayée de ses contemporains, l’homme en qui s’est con-centré cet affranchissement de l’artiste et de l’intel-lectuel, l’être du libre examen auquel il fait céder, sans scandale mais sans crainte, la foi elle-même. Au reste, Léonard est aussi indépendant vis-à-vis du respect aveugle de l’antiquité, qui va devenir aussi gênant que le dogmatisme chrétien pour les consciences libres, et il a déjà pour les pédants du culte nouveau le dédain courtois de Montaigne. Après lui, les circonstances sociales déplacent le centre de gravité intellectuelle et artistiques de l’Italie. Florence, déjà bouleversée par les luttes pour et contre les Médicis, éclipsée sous Ludovic le More par l’éclat de Milan, se voit supplantée par la Rome de Sixte IV, de Jules H et Léon X. Léonard lui-même a donné le signal de la déser-tion. Déjà, de son vivant, Michel-Ange, puis Raphaël, sont allés porter à Rouie leur gloire et LA PEINTURE ITALIENNE Phol . A !rua ri . Florence Galerie Pb N. ANDREA DEL SARTO — L’ANNONCIATION leur génie, et une foule enthousiaste les v a suivis. Cependant, Florence ne déchut pas : elle déclina noblement, elle eut encore des maîtres comme ce jeune Fra Bartolomeo (t 475-1517), si digne, si savant, qui influença Raphaël (Plein et Saint Marc à la galerie Pitti, Fiergeà la cathédrale de Lucques). Elle eut Andrea del Sarto (1487-1531), le grand coloriste des fresques de l’Annunziata et du Scalzo. Elle eut Albertinelli (Visitation aux Uffizi), Ridolfo Ghirlandajo (Scènes de la Vie de saint Zenobins, Uffizi). Elle eut le Pontormo (1494-1557), et sur-tout ce profond, ce fascinant portraitiste, ce maître du clair-obscur dont Florence garde tant de chefs-d’oeuvre, Angelo Bronzino (1502-1572). Et Flo-rence eut encore plus tard, en sculpture, un génie, Benvenuto Cellini (1500-1562), et un beau talent, Jean Bologne (1524-1608), avant que sa peinture mourût aux mains d’un Cristofano Allori (1577- 1621), un Frini, un Carlo Dolci enfin, non mépri-sable d’ailleurs en son maniérisme parfois suave (1616-1686). Aucune des dernières heures de Florence ne ternit la pureté et la splendeur spirituelle de son rôle de révélatrice. Dans l’évolution de l’art italien, elle fut vraiment la Ville sainte, bien plus digne de ce nom que cette Rome par elle instruite. A deux mille ans de distance, la capitale de la Toscane a 67