L’ART ET LES ARTISTES Mu., lAu•re. LÉONARD DE VINCI SAINTE ANNE, LA VIERGE ET L’ENFANT JÉSUS du temps en procès familiaux, vit la France perdre l’Italie conquise après la mort de Gaston de Fois, à Ravenne. En 1515, François Fr, vainqueur à Marignan, se faisait présenter Léonard, l’emme-nait en France et lui donnait le château du Clous, près Amboise, avec un vaste programme de tra-vaux. Le Saint Jean-Baptiste est de cette époque, ainsi peut-être que la Sainte Anne dont il avait conservé le carton. Mais le labeur, les déceptions, la vie errante dans la vieillesse avaient usé cet être extraordinaire. L’accueil libéral de François Pr ne put qu’adoucir sa fin (2 mai 1519). Le peu d’oeuvres épargnées par le destin, dans la production déjà restreinte de Léonard, suffit à faire de lui un des plus grands génies de la pein-ture de tous les siècles, et le plus parfait, et le plus profond peut-être. Mais la peinture ne fut qu’une des préoccupations de ce vaste esprit. 66 Soucieux avant tout d’incarner partout soi-même un type d’hu-manité supérieure, Léonard ne trouva jamais un protecteur assez puissant, assez altier, pour le seconder absolument et faire de lui, dans la réalité, un roi de l’in-tellectualité agissante. Cet échec confère à son existence féconde et lucide un mystère et une tristesse sublimes. L’examen de ses ma-nuscrits a montré en lui le créa-teur, avant Bacon, des méthodes expérimentales: physicien, mé-canicien, anatomiste, astronome, géologue, botaniste, théoricien de l’aviation, ingénieur, artilleur, il a pressenti toute la science moderne; esthéticien, il a dit sur son art, dans son Traité de la Peinture, les paroles définitives. Moraliste, philosophe, à la fois scientifique et spéculatif, c’est un des grands souverains de l’esprit humain, comme un Leibniz., un Spinosa, un Goethe, embrassant, pénétrant et exprimant tout avec l’esprit le plus rigoureusement mathématique et l’imagination poétique la plus inspirée. Révé-lateur isolé, il s’éteignit en Moïse au seuil d’une terre promise qui devait être celle de la Science moderne. Plus abondante, son oeuvre n’eitt pas été plus belle, et peut-être aurait-elle disparu tout autant, et nous n’aurions pas de Léonard omniscient et surhumain la leçon que nous offre son existence, plus précieuse encore que la Sainte Anne et la Joconde. L’ÉCOLE FLORENTINE APRÈS LEONARD DE VINCI Nous avons vu, de Giotto à Léonard de Vinci, comment s’est constituée l’évolution logique de la peinture selon deux tendances parallèles. Déve-loppement de l’humanisme, dispositions plus libé-rales des papes, réveil de la curiosité et de l’amour pour l’antique, réalisme introduisant les êtres visants parmi les figures de tradition sacrée, diffu-sion du tableau, intervention de la peinture à l’huile, ce sont des motifs d’évolution auxquels il ne faut pas oublier de joindre l’un des plus essen-tiels, le rôle de Ghiberti, de Luca della Robbia, de Donatello et d’architectes comme Brunelleschi,