L’ART ET LES ARTISTES par sa malheureuse taille et point servi par l’intelligence des choses d’art, n’a pas en elle-même plus d’importance idéale que la présence de M. Fallières à un vernissage officiel. Mais les cérémonies des différents pavillons internationaux en out gagné en solennité, sinon en intérét. Cependant, le nombre des mécontents, de ceux qui, à tort ou à raison, se plaignent de l’organisation romaine, est assez considérable. Quelques-uns organisent un Salon des Refusés, qui ne manquera pas d’un certain attrait. Ce ne sont pas de véritables « refusés » du jury romain, ainsi que le nom pourrait le laisser croire. Ils ont tenu à le bien déclarer. Ils ont dit publiquement qu’à l’exposition romaine, où l’on n’a accueilli que des oeuvres non encore exposées en Italie, l’on ne pouvait pas atteindre la complète représenta-tion de la production artistique de l’Italie contemporaine. Quelques artistes italiens, des plus notoires, ont été empêchés d’exposer, par la clause qui leur imposait l’envoi d’oeuvres inédites en Italie, c’est-à-dire de leurs oeuvres de l’année. Tandis que les artistes étrangers ont envoyé des ensembles d’oeuvres, autrement représentatifs. C’est ainsi qu’est né le projet d’une « exposition à côté », consacrée à tous les artistes italiens qui, tout en étant dignes de figurer au Salon officiel, n’y furent admis pour une raison ou pour une autre. Un salon conçu de la sorte peut avoir et aura un intérêt des plus vifs. Je parlerai dans une prochaine chronique des expositions des différentes nations, et de celle du portrait à Florence. R. CANUDO. ORIENT ATHÈNES. — Mort du sculpteur Ltqare Sohos. — La Grèce artistique est en deuil. Lazare Sohos vient de mourir. Ce fut un grand sculpteur et un grand artiste. Avec Georges Bonanos et Filipotis, Lazare Sohos formait la trinité de l’ébauchoir à laquelle la Grèce contemporaine doit en grande partie la renaissance de sa sculpture. Le regret de cette perte se fait d’autant plus vivement sentir que profondes étaient les sympathies artistiques du sculpteur grec pour la France. Tout en témoignant d’une personnalité très marquée, l’oeuvre de Lazare Sohos s’inspira presque entièrement du génie français. Et c’est aussi de l’art français qu’il entretenait le plus souvent ses élèves à ses cours très suivis de l’Ecole des Beaux-Arts d’Athènes où il professait déjà depuis de nom-breuses années. Rien de plus naturel que les compositions de Lazare Sohos se soient ressenties de l’Ecole française, puisque les premiers enseignements reçus par le sculpteur grec lui furent tous donnés par des maitres français. En effet, né en 1862, à Tinos, dans l’Archipel, le futur artiste débarque très jeune à Constantinople. A quinze ans il commence à prendre des leçons de dessin du maitre fran-çais Guillemet, qui fut le peintre attitré du sultan Aziz et le fondateur de la première Académie de peinture en Turquie. Après trois ans d’études à l’Académie Guillemet, le jeune homme est envoyé à Athènes. Il entre à l’Ecole des Beaux-Arts, où il n’est pas long à se rendre compte de la haute valeur des leçons de son premier maitre. Toujours en tète du cours, il remporte, à chaque fin d’année, tous les pre-miers prix des études. Aussitôt ses études terminées au Polytechnikon, Lazare Sohos n’a qu’une hâte : les compléter dans notre capitale. Des son arrivée à Paris, il entre à l’Ecole des Beaux-Arts de la rue Bonaparte et, simultanément, suit les cours de l’Ecole des Arts décoratifs. Durant de longues années, il parfait son éducation artistique sous la direction de grands maitres, dont les principaux furent les sculpteurs Cavelier, Aimé Millet et Antonin Mercié. En 1888, il expose pour la première fois à la Société des Artistes français. Deux ans plus tard, la Société lui décerne une mention honorable pour un buste en plâtre : Portrait d’Enfant, tort remarqué. Ace « portrait » sont venus, depuis, s’ajouter les médaillons et les bustes qui ont fait la réputa-tion de l’artiste et qui, pour la plupart, sont considérés comme des chefs-d’oeuvre. Parmi ces derniers il convient notamment de mentionner le médaillon en bronze de la Princesse Alexandra de Grèce, une des filles du roi Georges, dont le marbre a été acquis par S. M. la Reine Olga: le médaillon, en bronze également, de Madame Juliette Adam, commandé au statuaire par les étudiants de Paris et offert par ces derniers à l’illustre femme philhellène ; le buste en marbre du savant grec Korav, qu’on admire au cimetière Montparnasse, et les bustes non moins admirables de D. Vi-kelas, A. Avgherinos, Psycharis et D. Psathis. Parmi ses oeuvres d’imagination, deux surtout méritent d’être citées : La Muse de retour sur l’Acropole, statue en plâtre de très pure inspiration et La Grèce protégeant les An-tiquités, statue en plâtre aussi, de superbe allure, exposée en 190o, à l’entrée du Pavillon grec de l’Exposition universelle et qui valut à son auteur une médaille d’or. C’est encore au grand art de Lazare Sohos que l’on doit la grande statue équestre de Colocotronis, érigée à Athènes sur la place Colocotronis même, tout près de la Chambre des Députés. La commande fut donnée par la ville au sculp-teur à la suite du concours où il avait remporté le prix. Le héros grec à cheval, casqué et vêtu à l’antique, idéalisé, divinisé presque, se dresse, majestueux, sur un large socle où deux bas-reliefs très fouillés commentent des épisodes de sa vie. L’inauguration de cette statue eut lieu en présence de S. M. le roi Georges qui célébra, en un discours, les hauts faits d’armes du héros. Une réplique faite en 1900 fut érigée, l’année suivante, à Nauplie. Non moins importants, dans l’oeuvre du sculpteur, sont le monument en marbre de Zarifi, que l’artiste a élevé au grand philanthrope dans le cimetière grec de Constantinople, et celui, érigé à Athènes, dans les jardins du Zappion, en face de la statue de Byron, au fameux héros macédonien Paul Mélas, et qui fut la dernière oeuvre à laquelle l’artiste a mis la main. Je ne parlerai que pour mémoire d’une très belle statue de Sa/Ji, d’un grand nombre de bustes qui ornent soit des établissements philanthropiques, soit des stèles funéraires, et de la restauration, faite avec un art sans pareil, du colossal Lion de Chéronée, qui lui avait été confiée par le Gouvernement. L’atelier de Lazare Sohos, dans la rue d’Epire, était le rendez-vous habituel des jeunes sculpteurs d’Athènes, qui venaient consulter le maitre, s’éclairer de ses conseils, deviser sur les destinées artistiques du pays. généré par ses élèves, aimé par le peuple, Lazare Sohos laisse le souvenir d’un grand artiste et d’un homme de bien. Aussi l’Etat, soucieux de rendre un dernier hommage au maitre qui honora la Grèce par son oeuvre et son enseigne-ment, a-t-il décrété que les obsèques de l’artiste seraient faites à ses frais. Ijs A not.pti