Le Mouvement Artistique à l’Étranger ALLEMAGNE ‘Réaux eu, à son tour, l’cNpo. dc, tutIvrcv d, Gauguin, qui poursuit son voyage circulaire d’Al-lemagne. Celle du paysagiste Kallmorgen offrait le contraste de ses atmosphères du Nord et de ses mornes campagnes. —Les peintures décoratives de M. Raphael Schuster Woldan, au Reichstag, ont un peu fait parlerd’elles,mais pas beaucoup. Il en effet ni grand hi., ni grand mal à en dire. —L’Académie des Beaux-Arts a été mise en possession des cinq cent mille marks d’un riche mécène, connu déjà par de semblables dotations, pour acheter devant la porte Pia un terrain à construire des ateliers aux artistes allemands en séjour à Rome. — Hambourg organise une exposition de tapis. — La salle des séances de l’hôtel de ville de Chem-nitz va s’orner, gràce encore à un riche donateur, d’une importante composition de M. Max Klinger le Travail, taudis que l’hôtel de ville de Hambourg, déjà décoré par M. Fritz Erler, livre une surface de dix-sept mètres de largeur à couvrir de peinture à M. Ferdinand Hodler. — La campagne de Dresde voit, de jour en jour, s’accroitre sa colonie de Hellerau où tout, fabriques, ateliers, villas, écoles, institut pour la gymnastique rythmique de M. Jacques Dalcroze, constitue un nouveau triomphe de cette architec-ture allemande, rationnelle et revenue à sa tradition natio-nale, dont un autre est l’immense hôpital du Nord, à Munich, à lui seul, une véritable cité. Je ne cesse de répé-ter qu’on ne prend pas aster. garde, en France, à cette intense renaissance d’une architecture allemande organique. Des expositions comme celles du dernier Salon d’automne eu donnent mal idée. Il faut voir, dans la nature, ces cités nouvelles, et les appartements que vous avec. vus, dans ces cités nouvelles. Alors, tout no tiens, du ciel et des paysages, jusqu’aux ameublements et jusqu’aux costumes de sport. L’œuvre d’architectes, tels que M. Peser Behrens ou Richard Rimeruhmid, a une importance correspondante à celles de décorateurs, comme MM. Klinger et Erler. Mais n’oublions jamais que le pays les explique, les uns et les autres, et que les transplanter, c’est, du fait mélo., les mal juger. Quand donc s’apercevra-t-on enfin que l’ceuvre d’art a besoin de son milieu naturel au mémo titre que les chefs-d’œuvre de la vie. On ne plante pas des oliviers à Berlin, et les sapins, â Paris, ont tort. Ces pauvres tableaux de maîtres espagnols anciens, vus Munich, chez Heinemann, avaient-ils l’air assez dépaysés! Certes, c’est toujours une haute satisfaction que de faire connaissance avec quelques Greco de plus et un passion-nant probléme que d’en discuter des répliques inquiétantes par leur fréquence ; mais que ces migrations de chefs-d’oeuvre ont donc quelque chose de mélancolique I L’expo-sition des Espagnols modernes, quia suivi, nous e montré des Zuloaga et des Anglada surprenants, des Tolède et des MatirU, de M. de Beructe, éclaboussant de lumière, et des de Id o to den petits ports de pèche, dc M. E.-M. Cubells Raie, qui ont la fermeté de la prose de M. Blasco Ibanex dans Fleur de Mai. Enfin, la peinture, si grave et si éloquente dans son recueillement sombre, des deux frérot Zubieurre, a œtrouvê les fervents amis qu’elle s’était faits à la dernière Exposition internationale, et le petit cercle s’en est considérablement accru. Puis sont arrivés les Suisses. Eux, se sentent presque chez eux, en Bavière. Leur pays ne s’appelait-il pas autre- fois la haute Allemagne? Bavière et Suisse ont les mémes Alpes, les mémes lacs, les »Mmes foréts. L’une est la continuation à peine assombrie, plus grave et plus sinople de l’autre. Quelle vitalité, quelle gaieté, quel entrain, dans cette jeune école suisse! Ils sont à la croisée des chemins, ces artistes. Ils regardent en France et discutent; ils regar-dent en Allemagne, ils regardent en Italie et discutent encore, et puis, surtout, ils regardent chez eux et compren-nent admirablement ce qui est à prendre et à laisser chez les autres, du moment qu’il s’agit de s’exprimer sinœrement. Aussi nulle école moderne n’est moins cosmopolite, et Phis-toise de la conquéte de son unité nationale, ces dix dernières années, serait bien intéressante à écrire. Jusque-lé, on avait eu des peintres français ou des peintres allemands, point de suisses, encore que de rares exceptions locales, tel Disteli, aient pu faire prévoir depuis longtemps la possibilité d’un art suisse. On croyait le trouver dans la peinture alpestre ; c’est Itoecklin qui le fit sortir du Jura bâlois et des vieilles petites villes de caractêre souabe, tour en conquérant le droit à toute fantaisie à l’ensemble de l’art allemand. Quant à la peinture alpestre, cherchée pendant tut siécle d’efforts admirables, ce fut un étranger qui un apporta le formule définitive ou plutôt la libération du toute formule Segan-sMi. Aujourd’hui, on sait où l’on va, et ce que nous montre, par exemple, M. Cardinaux est tel que cela ne pouvait Caro fait que par un Suisse et noème, pour qui connais les parti-cularismes cantonaux, que par un Bernois. Mais le type le plus complet de cet art suisse l’exposition muni-choise fut Albert Welti. Son oeuvre tout entier se trouvait résumé en deux parois, couvertes :des petites esquisses d’où sont sortis ses plus célébres tableaux, ses fresques et ses vitraux. Le coloris boecklinien a trouvé en lui un nouvel adepte et cependant, à peine M. Welti se met-il devant le paysage, qu’il devient lumineux et argenté autant que porte quel pleinairiste français. Le décorateur et le fantai-siste, d’une part; d’autre part, la paysagiste en vacances paraissent, au premie ‘r abord, deux artistes totalement dif-férents; mais, c’est au contraire preuve d’un jugement droit et sain que de ne pas assimiler un souvenir d’excursion, enlevé en quelques instants, à une œuvre mûrie et précieuse qui a la volonté d’exprimer non plus simplement la vision de l’artiste, mais sa foi, son patriotisme et sa philosophie. 134