L’ART ET LES ARTISTES vieille maison de Verneuil-sur-Avre, en Norman-die, qu’il s’est proposé de restaurer, d’agrandir. On verra avec quel respect il a su entendre les sug-gestions du passé, et l’on fera confiance à ce jeune architecte dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler plusieurs fois encore. Mais c’est là une exception : si la thèse que j’indiquais plus haut est résolument appliquée par quelques-uns, ces quel-ques artistes, par contre, sont malheureusement isolés les inss des autres, ils ne se connaissent pas, et l’on ne peut que souhaiter les voir se réunir et grouper leurs efforts. Je serais heureux, pour ma part, si ceux que j’ignore voulaient bien prendre la peine de se faire connaitre à moi, et de collaborer à cette résurrections du provincialisme. L’Art et les Artistes est acquis à leurs efforts. Mais au lieu de cette variété harmonieuse, de cette compréhensions du milieu, nous ne trouvons le plus souvenu hélas! aux Salons, qu’une banalité désespérante. Ce ne sont que villas bretonnes en Normandie, villas normandes en montagne, mai-sons provençales dans le Pas-de-Calais. Rien ne rappelle les modèles qui se trouvent dans la région même, et qu’il ne s’agit pas de mettre sens dessus dessous niais d’adapter à nos exigences modernes. Ainsi, voyez, je vous prie, cette estimable caisse d’épargne construite à Saint-Brieuc par M. Georges Lefort (Artistes français), ces habitations à Roubaix par Al. Bouvy fils, la villa construite à Dijon et cataloguée sous le n° 4081, et je ne pense pas que vous y trouviez, habilement résolues, ces préoccupations que l’on trouve dans les envois de M. Storez, dans une très intéressante auberge construite par M. Ch. Carbonnier au col du Brunnig (Artistes français) merveilleusement étudiée au point de vue de la silhouette, de la différence de niveaux, de la pente du toit, dans une maison de campagne édifiée par M. Rabussien (n° 4289, Artistes français). Ces principes sont particulièrement impérieux quand il s’agit de maisons rurales, ouvrières. La beauté, dans ce cas, ne peut pas résulter d’une déco-ration trop coûteuse, mais des proportions, de la silhouette, de la parfaite adaptation au milieu et au paysage. Mais il faut que là on soit résolument modeste, que l’on affirme au lieu de la dissimuler, la vie simple, que la maison de 5.000 francs ne veuille pas pasticher la maison de 40.000 francs. C’est pour-quoi il convient de louer les maisons ouvrières de M. Girard, les habitations ouvrières construites dans la Haute-Marne, jumelées, mais avec entrée indépendante, encore que les cheminées, dont il est possible de tirer uns parti pittoresque, soient mal étudiées à ce point de vue. Par contre, M. Guadet est absolument inexcusable il ne pourra pas invoquer, en faveur de l’hôtel du doc-teur C… qu’il était gêné par des nécessités locatives: ces façades, soit sur le parc, soit sur la rue, sont d’une incroyable monotonie ; le grès flammé des revêtements, les arbres nains qui couronnent le balustre du toit en terrasse ne font rien à l’affaire; tout l’essentiel est dans la proportions des pleins et des vides; ici les vides l’emportent sur les pleins, et cet hôtel ressemble à une serre vitrée. On objectera sans doute aux théories que je défends tt De nouveaux matériaux sont entrés en jeu, le ciment armé n’était pas connu autrefois; cette nouvelle usinière commande des formes inédites. ‘n Et l’on a imaginé des bâtisses informes, dont on trouvera des exemples au Salon des Champs-Elysées et dont je ne veux pas nommer les auteurs, pour ne les pas désobliger et pour ne pas faire une question de personnes avec un débat qui n’intéresse que les idées. On a commis la méme erreur avec les maisons qu’autrefois avec les meubles. Ces constructions bizarres sont des invertis. Il n’était pas nécessaire, méme avec du ciment armé, de s’écarter beaucoup des règles généralement admises autrefois. Il fallait pousser jusqu’au bout la logique constructive, sans cher-cher par des revêtements à dissimuler l’armature; il fallait accentuer cette armature, obtenir en les précisant les grandes lignes de l’édifice, imiter ainsi les vieilles maisons à pans de bois que l’on voit encore à Rouen ou à Bourges, où le bois joue précisément le rôle de l’armature, où l’on s’est borné à remplir d’une mixture quelconque les inter-valles des poutres. Je me défends de renouveler ici l’attaque que l’on a dirigée si souvent, à tort et à travers, contre le grand style. Il est évident qu’à côté des maisons, il y a des palais, palais démocratiques, gouverne-mentaux, républicains, monarchistes, mais encore palais. Je pense qu’évidemment, quand un archi-tecte veut faire uns grand’ceuvre de ce genre, il songe davantage aux exemples que lui ont donnés Rome ou la Grèce, qu’à ceux de son village; et Paris contient trop de chefs-d’oeuvre, où l’imi-tation de l’antiquité est manifeste, pour que nous puissions nous insurger systématiquement contre cette tendance. Il n’est pas défendu de rechercher le grand style, si l’objet qu’on se propose en vaut la peine mais il faut l’appliquer avec un tact et une mesure que l’on rencontre bien rare-ment, et comprendre que des artistes cousine Mansard et Gabriel, tout en se souvenant de Rome et de la Grèce, savaient parfaitement qu’ils vivaient à Paris. Il est parfaitement légitime, par exemple, que M. Henri Eustache, ayant à construire à Rome, pour la France, en 1911, un Palais des 132