L’ART ET LES ARTISTES SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX=ARTS Ceci posé, il faut bien reconnaître que, anec-dote pour anecdote, celle que l’on peint au Salon de la Société nationale est infiniment moins super-ficielle, qu’elle vise à plus de style. Les artistes font tout leur possible pour la dissimuler. Leur sincérité, leur science, leur effort toujours renou-velé nous requièrent au point que nous oublions la relative pauvreté des sources de leur inspiration, que nous ne nous demandons plus à quel but décoratif sont destinées toutes ces toiles et toutes ces statues. Peu à peu, nous admettons le pos-tulat individualiste qu’elles n’ont d’autre but en effet que d’avoir exalté, au moment de leur création, le sentiment de leur auteur, et c’est cela même, cette impression inconnue, certes, au public de jadis, qui nous aide à ne pas trop nous épouvanter de la perte de tant d’efforts. Au premier rang des artistes qui ont toujours maintenu en eux la prédominance du sentiment décoratif, je crois qu’il faudrait citer M. Alfred Roll. Et je ne fais pas seulement allusion à son grand panneau : Le Libérateur José de San-Martin (quoique une telle tâche pût servir à montrer aux jeunes décorateurs comment l’on se tire d’une commande officielle), mais je pense même à ses autres envois : Femme au Chien et Journée d’EU, qui contiennent tant de lainière et d’espace qu’ils dépassent tout à fait les dimensions et la formule du tableau de chevalet. M. Alfred Roll est un décorateur né comme tout vrai peintre, et M. Alfred Bernard aussi, qui expose un fragment (colossal) du Plafimd destiné au Théritre-Franrais, dont M. Léandre Vaillat a parlé ici inéme, l’été dernier, en ternies excellents, et dont nous avons publié des reproductions. J’ai aussi beaucoup aimé les panneaux de M. Gaston La Touche, chantant la joie de vivre et la féerie des lumières pourpres ou blondes, cependant que, à cette même joie de vivre, M. Villette (avec son adorable Tentation de saint Antoine) met plus de malice et d’humeur légère. Païens d’ailleurs, ils le sont presque tous, les peintres d’aujourd’hui, et non seulement par les sujets, mais par le sentiment même. Ainsi, M. Anquetin, qui modèle des nymphes dans une matière brillante qu’eût aimée Bouclier; ainsi M. Séon, malgré sa froideur académique; ainsi M. Marcel Roll qui, dans des amoncellements de fleurs printanières, met le contraste livide d’un squelette; ainsi M. Auburtin, aux élyséennes pâleurs; ainsi M. Caro-Delvaille, élégant et antique; ainsi M. René Ménard, si grave et si noble avec Le Labour (peinture décorative destinée à la Caisse d’épargne de Marseille); ainsi M. Jules Flandrin, malgré ses partis pris de technique, tant d’autres que j’oublie. Je n’aurais garde d’omettre les choses d’une suavité si rêveuse qu’expose M. Aman-Jean, Le Verger sur la Colline et La Barque, de M. Henri Georget, les tableaux un peu froids mais solides de M. Bernard Boulet de Monvel; les impressions soleilleuses et tendres de M. Maurice Denis, repos entre deux grandes oeuvres; les terribles Déchus, de M. Julien Lemordant, impressionnante fresque humaine de la misère, ni les envois de MM. Joseph Pinchon, Rixens (Triomphe de l’Amour); Gillot, poète des fumées et des usines; H. Gsell, Agache (Les Masques); Eugène Burnand (Le Sermon sur la Montagne, carrons de vitraux pour l’église de Herzogenbuchsee, Suisse); Paul Baudouin, Weerts qui, outre quatre très intéressants portraits, expose un immense panneau Concours d’éloquence sous Caligula, à Lyon, plein de mouvement et de lar-geur; Guillaume Dulac (Pastorale en Gascogne, que lui avait commandée l’Etat pour le théâtre d’Agen); Marret , M-s ‘Madeleine Wells (Paysans du Midi); M. Smith, beaux portraits rie jeunes femmes, en pleine lumière, et de fraiches pein-tures décoratives, etc., etc. Il convient de mettre tout à fait à part un artiste du plus grand mérite, M. Ernest Biéler, qui peint sur bois avec une précision, une richesse et un caractère extraordinaires, des types populaires, atteignant ainsi au style des maitres anciens. Il y à là une sorte de génie dans l’application qui s’im-pose à notre estime. De très indiscernables transi-tions unissent la peinture de genre à la peinture décorative, et nous passerons insensiblement de celle-ci à celle-là avec les noms, par exemple, de M. Jacques Blanche, chaque jour plus habile, si habile que cela confond et qui semble n’ignorer plus rien de son art, de M. Rupert Bunny, que parait pénétrer plus que jamais la joie de la lumière (Le bel Après-midi). M. Suréda (Femmes mamysques faisant la Sieste); M. Morisset, de plus t20