L’ART ET LES ARTISTES P55. Ali na PALMA LE lEESA! LIGUI.: giosité, bien qu’il ait traité souvent des sujets sacrés par un reste de convenance. Il y a bien longtemps d’ailleurs que les sujets sacrés ne sont, pour les Vénitiens, que des prétextes à fantaisie, et Véronèse s’en embarrasse moins que personne : c’est un païen ingénument voluptueux. Niais attendons de lui des architectures compliquées, orgueilleuses, énormes, des cortèges d’un luxe éblouissant, des figures envolées, des plafonds peuplés de créatures d’un caprice ravissant, de superbes réalisations de la beauté féminine, un dessin large et sûr, un coloris se jouant sur les demi-tons avec une subtilité d’un charme presque musical. C’est bien la peinture de l’élégant et robuste gentilhomme qui, dans le Repas chrz LéVi (Académie), s’est campé si noblement, adres-sant un geste cordial à la foule des invités qui se pressent sous les portiques grandioses. Comment dénombrer les compositions de Véronèse? A Ve-nise, seulement, on trouve le Triomphe de Venise du palais ducal, cet immense bouquet de couleurs d’une tendresse si délicieuse, les caissons de ce pla-fond, l’aléveiiiim d’Europe., le Mariage de saillie Catherine, les Martyres des saints Mare, Marcellin et Sébastien, et l’histoire d’Esther, à l’église Saint-Sébastien le Repas chez Lévi, les fresques païennes, d’une si magnifique unité décorative, de la villa foode Palaiœ ducal LEGORIE) Giacomelli. Les Noies de Cana, du Louvre, furent pein-tes pour Saint-Geor-ges-Majeur. Peinte pour les religieux de San Giovanni et Paolo, une Cène fut l’objet d’une enquête du tribunal de l’In-quisition, tant la fan-taisie du coloriste s’y montrait d’un total insouci de la sainteté du sujet. Véronèse ne s’émut guère, se borna à répondre que le peintre avait droit aux licences des poètes et des fous et qu’il continuerait de peindre selon sa compréhension des choses n. Ceci était dit en 1573, moins de cent ans après l’é-poque où Botticelli fut inquiété pour son Assomption et, cédant à l’exhortation irritée de Savonarole, détruisit plusieurs de ses oeuvres « pro-fanes a. Simple rapprochement qui fera mesurer l’évolution des idées morales au xviï siècle ! Le paysage et les figures de l’Enlèvement d’Eu-rope, c’est déjà tout Watteau, qui s’en inspirera, comme de Corrège et de Rubens, et la gamme chromatique du Vénitien restera pour tout le xvile siècle et le nôtre un incomparable enseigne-ment. Rien ne fera mieux comprendre l’erreur et la stérilité de l’académisme, cette anémie interna-tionale de l’art, que la vue de ces vigoureuses et riches créations de Véronèse. LE CREPUSCULE DE L’ART VENITIEN Autour du Tintoret, de Titien, de Véronèse, d’autres artistes, moins grands, moins intéressants, travaillèrent, mais ces trois hommes avaient épuisé le génie du sol vénitien, et la décadence commen-çait déjà. Il n’y avait plus dans Véronèse lui-même ces ressources profondes qui donnent à l’épanouis-sement du don technique son soutien suprême la foi, la recherche d’une beauté idéale, le rêve, le pathétique, la passion, qui avaient inspiré le Tin-foret et le Titien. La joie de la vie luxueuse et la glorification de Venise étaient les seuls thèmes de tao