L’ART ET LES ARTISTES plan suprême de son art, entre Michel-Ange et Rembrandt, le Tintoret est un phénomène intel-lectuel peut-être sans exemple, un des grands héros de l’inspiration humaine. C’est du moins la plus grande émotion de notre vie que nous lui devons, après avoir étudié le Crucifiement de la Scuola di San Rocco, cette véri-table e Somme s de la peinture. Ni Rembrandt, ni Delacroix n’ont dépassé ce clair-obscur formi-dable, cette frénésie des formes affolées par l’écrou-lement des ténèbres, cette composition qui relie vingt groupes avec une simplicité magique, ces tableau du monde, peint dans sa jeunesse, trahit encore son imagination, du moins en cette mêlée confuse que le temps a noircie, trouve-t-on déjà les pressentiments de la grandeur et un accent michel-angesque. les Noces de Cana, de la Salute, présentent un des effets de lumière les plus saisissants qu’on ait réalisés. La Saillie Agiles (Madonna dell’Orto) répond aux critiques que choque la tumultueuse composition de l’artiste par une gréer et une sobriété presque naïves. Cet inspiré fiévreux, ce créateur austère et halluciné savait aussi révéler l’âme la plus simple et la plus tendre. La Descente Amri.rrnise : Patai, ducal (salle à LE TIN FORET — LE NIARIAGE DE SAINTE CATFIERINE expressions surhumaines, ce paysage livide, cette horreur meurtrière et cette mystérieuse sérénité pourtant qui, de cet assassinat infâme, fait une tragédie sacrée. Un tel tableau est absolument isolé dans toute l’histoire de la peinture de tous les pays. Il reste fixé aux murs de cette Scuola di San Rocco, sombre et silencieuse, où l’extraordinaire vieillard travailla durant de longues années et qui est sa Chapelle Sixtine il la décora entièrement de peintures admirables, dont une Nativité d’un réa-lisme si sincère et si touchant. Si sa décoration du palais ducal, la Gloire do Paradis, le plus vaste de Croix, de l’Académie, est, pour ainsi dire, par sa réduction au blanc et au noir, par les plans tout sculpturaux de ses figures, par la déchirante désespérance de son humanité, l’idéal de ce qu’Eu-gène Carrière a essayé dans notre temps. Le formi-dable portrait du doge Mocenigo (Académie), est là pour prouver que le Tintoret a été plus loin que tous nos modernes dans la violenter de la technique expressive, et le plafond du palais ducal (Venise, reine des Mers) est un morceau que ni Titien), ni Véronèse n’ont surpassé. Mais, si l’on veut trouver une des oeuvres où la fantaisie d’un psychologue dé-licat a pu signifier le plus de nuances, il faut voir à o8