LA PEINTURE ITALIENNE et la profonde vie intérieure de Léonard, ni la farouche grandeur de l’austère Michel-Ange, ni le charme indicible de Raphaël, ni le tragique psy-chologique de Rembrandt, mais, par la seule puis-sance de sa radieuse et voluptueuse beauté plas-tique, il s’est placé au rang de ces génies. C’est un peintre, c’est le peintre le plus prestigieux peut-être qui ait existé, un créateur inépuisable de formes harmonieuses, dont l’oeuvre entier est un hymne lyrique au triomphe de la chair heureuse de sa passagère splendeur. Il a peu ou point essayé de définir des idées ou même des sentiments, et il n’y a que médiocrement réussi. La célèbre Vierge de la famille Pesaro, aux Frari, est aussi surprenante par son manque absolu de religiosité que par sa tech-nique inouïe. La Présentation au Temple, de l’Académie, montre bien, par l’attitude sérieuse et exquise de la Vierge enfant, montant gravement les degrés sacrés, le tact et le goût d’un noble artiste sensible, sinon au divin, du moins à la tendresse et à la poésie de la légende pieuse ; mais l’impression est, avant tout, celle d’un magnifique morceau de peinture. L’Assomption de l’Académie, non moins renommée, montre bien de l’extase sur le visage et dans l’attitude de la Vierge, mais c’est de l’extase figurée avec art par un artiste supérieurement intelligent, et on sent bien que la foule mouvementée qui se récrie devant le miracle et l’arrangement des troupes d’anges turbulents, plutôt pareils à des amours, ont préoccupé le peintre autant que la Vierge elle-même. Chez un Masaccio, un Gozzoli ou un Ghirlandajo, si pâles auprès de ce génie éclatant, la qualité d’âme, la ferveur, la faculté de révéler l’ineffable sont autrement puissantes ! Il en est de même pour toutes les Madones et les Saintes que les musées d’Europe gardent de Titien elles sont belles, nobles, pleines de bonté, heu-reuses et humaines, elles charment, on les admire, elles n’émeuvent jamais, elles ne ranimeront jamais la foi dans un cœur troublé. Mais demandons à Titien ce qu’il sait donner des compositions d’une science impeccable, d’une libre hardiesse, des figures d’un jet superbe, des étoffes resplendissantes, la plus merveilleuse tech-nique présentée sans aucun dogmatisme apparent et, surtout, la plus belle idéalisation du nu féminin, le poème glorieux de la carnation ambrée, dorée, brûlante, de la richesse secrète d’un sang pur, ce poème dont la Vénus des Uffizi, L’Amour sacré et l’Amour profane, de la galerie Borghèse, à Rome, et tant d’autres oeuvres dispersées à Paris, Londres, Saint-Pétersbourg, Madrid,Vienne, sont les strophes à jamais admirables. Demandons aussi à Titien ces innombrables chefs-d’oeuvre du portrait, qui Pbol. PALMA LE VIEUX — SAINTE BARBE donnent à la représentation du type humain choisi clans l’élite une noblesse et une distinction que, seul, Van Dyck exprimera plus tard. Titien a vécu en seigneur Puissant et honoré. Il a vu poser devant lui les princes, les porteurs de couronnes, Fran-105