L’ART ET LES ARTISTES Phu BOCCACCINO DE CRÉMONE — tique comme un Constable et vrai comme un Ruysdael, la jeune mère presque nue, montrant sa beauté voluptueuse avec une impudeur tran-quille, allaite son enfant rien ne surpasse la vitalité fiévreuse des chanteurs du Concert du palais Pitti. Autour de Giorgione, des maîtres se sont groupés : à l’écart, se tient le rêveur Lorenzo Lotto (a 48o-t 554), portraitiste aussi profond que Bronzino, psychologue raffiné et mélancolique des visages maladifs. Jacopo Palma dit le Vieux (14So-1528), est plus nettement l’émule de Giorgione (œuvres à la Madonna dell’Orto, à San Moïse, à San Stefano), et surtout est célèbre son retable de Santa Maria Formosa, sainte Barbe et quatre Saints, où la figure de sainte Barbe est aussi ample, aussi magistrale que toutes les figures de Titien. Péris Bordone (1500-1570) est encore un très beau coloriste, rappelant, par son faire et son sens architectural, les meilleures compositions de Carpaccio. Une oeuvre synthétise ses dons, la Remise de l’anneau de saint Marc au Doge (Académie). Giovanni Rcgillo Licinio, né à Pordenone et prenant le nom de son pays (1487-1539), fut encore un bel artiste (Sainte Justine, à Vienne, cartons des Travaux d’Hercule pour le duc de Ferrare). Sebastiano del Piombo (1485-1547), élève de Giorgione, puis de Michel-Ange dont il subit l’influence, fut un peintre illégal, mais la Tribun . :Endémie des Braux-Ad,. LA VIERGE, ,NT ET DES SAINTS du musée des Uffizi, à Florence, garde de lui un portrait de femme puissant comme un Titien et mystérieux comme un Prudhoe. Enfin, de 154o à 1579, trois peintres travaillèrent à Venise, les Bonifazio. Le premier, Bonifazio Véronèse, s’at-teste à l’Académie par Le’ Festin du Riche et le Massacre des Innocents; Bonifazio II, par Le Christ et les Apôtres; Bonifazio III, par un saint Sébastien, un saint Marc et un Jugement de Salomon. Ils se ressemblent énormément. Tous ces artistes sont de très beaux coloristes et des réalistes hardis religieux ou non, tout sujet leur est prétexte à des morceaux de bravoure, à des agencements décora-tifs et, s’ils admettent délibérément l’anachro-nisme, ce n’est point par ignorance du passé ou par une indifférence toute spiritualiste, rom nle les Quattrocentisti florentins. Même en possession de documents archéologiques, un Toscan eût placé des contemporains dans le drame de la Passion, pour bien faire sentir que cc drame est toujours présent et actuel, aux yeux du croyant, selon, d’ailleurs, le symbolisme de la messe : pour un Vénitien, l’anachronisme n’est qu’un moven de célébrer la beauté de la civilisation vénitienne. Cette beauté, personne ne l’a glorifiée au degré de Tigiano Vecellio dit Le Titien, né à Pieve di Cadore, vers 1489, et destiné à prolonger jusqu’en 1576 une existence splendide par la génialité de l’oeuvre accomplie, par le faste, la noblesse et la gloire. Ne lui demandons m la sagesse surhumaine 104