L’ART ET LES ARTISTES Bibliographie LIVRES D’ART L’Art, par AUGUSTE RODIN (Entretiens réunis par Paul Gsell). Ouvrage de format 13 xx 1, orné de plus de cent illustrations dans le texte et hors-texte et de dessins inédits du maitre pris, 6 francs. — Chez Bernard Grasset, 61, rue des Saints-Pères. Voilà un livre dont l’apparition est une sorte d’événement dans l’histoire de l’art. C’est un ouvrage qui, assurément, ne sera pas oublié et que nos petits neveux consulteront pour connaitre la doctrine d’un des plus grands artistes qui aient honoré notre France. Cette doctrine est telle qu’on le pouvait soupçonner d’après l’oeuvre du maitre. C’est une sorte d’hymne en l’honneur de l’absolue sincé-rité artistique. — Copie; la nature avec une fidélité intransigeante, com-mence par dire Rodin à ses confrères. Et d’après cela l’on pourrait le croire partisan d’une exactitude littérale et terre à terre. Mais tout de suite il précise sa pensée. La nature vue par l’artiste n’est point celle qui apparais aux autres hommes. Tandis que le vulgaire ne voit que la surface des choses, la vérité superficielle, l’artiste aperçoit à. la fois le dehors et le dedans. Les yeux de l’artiste possèdent cette merveilleuse faculté déformatrice d’exagérer dans les formes extérieures tout ce qui traduit et accuse un sentiment intérieur. Dans tout spectacle il discerne ce qui en constitue le caractère, c’est-à-dire la signification profonde, le sens spirituel. Dès lors, la première formule de Rodin se transforme en celle-ci Copi, servilement la nature telle qu’on la voit quand on est artiste, c’est-à-dire quand on eu aperçoit le caractère. Or cette nouvelle formule, c’est celle de l’idéalisme le plus pur. Rodin, quittant les généralités, examine les moyens dont dispose l’artiste. Et là encore c’est une religieuse sincérité qui va être sen principe fondamental. » Quand vous modelez, dit-il aux statuaires, efforcez-vous de rendre le frémissement même des muscles notez tous les tres-saillements de la chair : soyez amoureux de la réalité vivante. « Puis, étudiez le mouvement, observez si attentivement les gestes que, par une sorte de miracle, votre sculpture immo-bile parvienne à rendre l’action .» Et ici se place un chapitre oh la notation du mouvement dans l’art est approfondie avec une pénétration géniale c’est peut-être le plus beau passage du livre. Rodin parle du dessin et de la couleur. « Ces moyens, dit-il, n’ont de valeur que par les vérités intérieures qu’ils exprimera. Point de beau dessin en soi, point de belle colo-ration en soi il faut que la ligne et la couleur pour être belles interprètent des sentiments. Traduisez sincèrement, par le trait ou par la nuance, une profonde émotion, vous serez un grand dessinateur ou un grand coloriste ; mais, si vous dessinez, si vous peignez sans être ému et seulement pour tracer de jolies arabesques, pour exécuter d’aimables mosaiques, vous ne serez qu’un jongleur .» Ensuite, Rodin donne son attention aux sujets dont s’ins-pirent les artistes. Il célébre la beauté du corps humain et surtout celle du corps féminin. Il montre que ce qui en fait le charme, c’est la grâce expressive, c’est le rayonnement spirituel dont il est comme baigné. Il aborde l’art du portrait. Il dit à quelle condition un buste peut étre beau. Cette condition, on la devine cest que le sculpteur soit farouchement sincère, c’est qu’il n’hésite jamais A rendre par la forme les particularites psychologiques qu’il a découvertes chez œn modèle c’est que jamais il ne se transforme en flatteur, eu flagorneur. Et il n raconte quelles tribulations encourut lui-rnéme dans saous carrière de modeleur de bustes a cause de son inflexible véracité. Il étudie le rôle de la pensée dans l’art et il aboutit a cotte magnifique sentence : let plus purs ebefsod’eturre seul t’eus où ne trouve plus aueout déchet inexpressif de formes, de ligotes el de rouleurs, Indin leur, absolument tout, se résout en pensée et en toue. Il va plus loin encore. « Les très grands artistes, déclare-t-il, ne se contentent pas de nous montrer toute la vérité qu’ils ont aperçue ; ils font mieux : ils indiquent qu’il y a au delà mérne de cette vérité quelque chose qu’aucun homme ne peut comprendre. Par une sorte de vertige qu’ils nous communiquent, ils font sentir qu’au delà du connu s’étend l’immense sphère de l’Inconnaissable, du Mystere. Après qu’il a défini tous les éléments de la Beauté, il compare deux des plus grands systèmes artistiques : celui de Phidias et celui de Michel-Ange et il montre comment deux civilisations, deux inspirations très opposées se sont conden-sées dans les œuvres de ces deux °mitres. Jamais, semble-t-il, l’on a mieux discerné les différences essentielles de la conception antique et de la conception chrétienne. Enfin Rodin fait comprendre ce que l’humanité doit aux grands artistes pour l’enrichissement spirituel qu’ils lui procurent, pour les radieuses clartés qu’ils projettent dans toutes les consciences. On le voit, ce livre est, comme nous le disions, la plus noble des professions de foi en faveur de la sincérité. Un tel ouvrage assurément ne grandit point Rodin, mais il le fait admirer davantage. Il met au rang des théoriciens les plus sagaces celui en qui ses détracteurs n’ont souvent voulu voir qu’un très habile ouvrier. Nous ne pouvons qu’adresser nos vifs compliments à notre excellent confrère Paul Gsell qui, pour la composition de ce beau traité, a servi de secrétaire, avec autant de fidélité que de pénétration, au maitre sculpteur. A. D. DIVERS Au Bon Soleil (roman dialogué), par Faisecis DE baten-Lévy, éditeur, 3, rue Auber.) I., l’c. ntemporaine: Les grands problèmes, i • , . (Librairie Hachette, 79, boulevard La Prison de l’erre (roman), par GASTON CXÊRALI. (C:11111,11,1 .1 nuur, 3, rue Auber.) L’A ruérlyuo du Sud (sis mois de tourisme), par MA, I (nombreuses reproductions photogra-phia«, II et F. Che rnovicz, éditeurs, 99, boulevard Raspd La II, etagne pittoresque et légendaire, par PAL ,1.11ILLOT. (Daragon, éditeur, 96, rue Blanche.) La pr miêre Empreinte (roman), par GEORGES Osa, . (Jouve et Os, éditeurs, 13, rue Racine.) L’Art de bien manger, la Cuisine française du sis’ au xx‘, siècle (a.000 recettes simples et faciles). Le tout recueilli et annoté par EDMOND RICHARDIN. (Librairie Nilsson, 7, Me de Lille.) Le Couple, essai d’entente, par AUREL. (Eug. Figuiére et C•, éditeurs, 7, rue Corneille.) 192