L’ART ET LES ARTISTES terre turque, cette terre dont il avait fait tune seconde patrie. Mais de nouvelles épreuves attendaient l’artiste au cours du voyage qui le devait ramener en Italie, son pays d’ori-gine. Ces épreuves lui devaient porter un coup d’autant plus grand qu’elles détruisaient, en partie, Eceuvre longue-ment ut patiemment poursuivie dans son pays d’adoption. Par une inadvertance impardonnable, les quarante énor-mes caisses renfermant ses gouaches et ses pastels, ses aquarelles et ses peintures, laissées pendant des semaines sur les quais de Naples, prirent toutes l’eau et l’artiste, en les recevant à Rome, eut la douleur de constater que, à part les tableaux l’huile, tout le reste était presquecomplète-ment perdu. Si la plus-value immédiate des rares pastels échappés au désastre, et dont quelques-uns atteignirent des prix fabuleux, édifia le peintre sur la valeur des muvres exécutées à Constantinople, elle ne parvint pas ale consoler rtne. perte jugée irréparable; elle ne fit, au contraire, qu’accroitre ses regrets. Avec cette vaillance, toutefois, qui le caractérise et avec laquelle il a toujours tenu tête à l’orage, l’artiste réunissait les tableaux qui n’avaient pas souffert de c l’inondation n et, après s’être entendu avec le directeur du Théâtre Natio-nal, ouvrait dans le foyer de ce théâtre une exposition de 5011 0,11Vre. C nt quatre-vingt-onze toiles figurent à cette Exposition et ces toiles, à très peu d’exceptions pris, out toutes trait à la Turquie, à Statnboul. Nous y voyons des paysages et des marines, des types osmaulys et des sites du Bosphore, des tableaux de genre et des portraits, des seines de la vi religieuse et des scènes de la vie populaire. Et c’est lae Ruelle Pluie fi (N. IO et La Pèche en Asie (N. 29); La Hannon des Eaux douas (No top) et Sur la Rive de Dolona-Baghtché (N. r D; Le &lem’ de ?Troie (N. 96) et Le, Parerait de ]’Artiste (N. Ita); La Prière (Na 179) et Femmes frit gué en Promenade (Nu r 1 i). Ce sont surtout les Enver-Bru portraits des deux héros de la liberté ottomane: Enver-Ily (Na 174) et Mahicouti aicket-Pacha (Nii [72), et les immenses toiles des DeeTiches linge (N. 189), une des plus belles inspirations du maitre, reproduisant, de mae tris intense, l’extase religieuse des moines hurleurs et Le Fanatisme (Na tôt), représentant, avec un réalisn. frappant, la scène sanglante persane qui remémore, annuel-lement, le martyre des fils d’Ali, Hassan et Husséin. Incalculable le nombre desvisiteurs qui, tous les joliafflue a l’exposition Zonaro et vient devant ces toiles rendre hommage au peintre qui, de l’avis même des critiques d’art les plus influents de la péninsule, est le seul grand orienta-liste existant aujourd’hui en italie. Lesgrands quotidiens de Rome, en tète desquels La Eribuna, Il Corriere d’Italia, Il Messagers, prodiguent les articles les plus élogieux à cette magnifique manifestation d’art que S. êt. le Roi d’Italie a tenu à honorer de sa ffié-sence, donnant ainsi cette exposition une consécration officielle et témoignant de la haute estime en laquelle il rient le peintre de l’Orient a. Après avoir parcouru les trois salles sous la conduite de l’artiste qui en faisait les honneurs et skttre franchement intéressé aux principales toiles de l’exposition, Victor-Em-manuel III s’est longuement entretenu avec Zonaro et s’est fait ua plaisir d’apposer sa signature sur le Livre d’Or que lui présentait le peintre. Puisse cette royale visite porter ses fruits! Puisse-t-elle faire que l’artiste, tant éprouvé depuis le détronement d’Abdul-Hatnid, reçoive enfin de la Jeune Turquie la com-pensation à laquelle son an et son passé lui donnent droit ! ADOLPHE THALASSO. SUÈDE L’ART de l’intérieur est plus développé en Danemark qu’en Suède. L’intimité se prête. tout spécialement au caractère danois. Peut-élue est-ce H un trait féminin. L’es-prit du foyer, semble-t-il, devrait se manifester avec le plus de netteté chez la maitresse de la oraison. Si celle-ci est en même temps urne artiste, l’agrément du chez-soi et surtout lesscènes de famille et les ébats de l’enfa. e doivent étui des sujets tout naturels. En Suède cependant, c’est Cari Larsson qui est le peintre de la vie de famille, bien que son art embrasse une sphère de motifs qui va des fresques gigantesques inspirées par l’histoire nationale aux caricatures qu’il crayonne de main de maitre. Et même on peut dire que les bons artistes sont plus rares parmi les femmes que parmi les hommes. L’exposition récente des Femmes artistes A Stockholm a montré — ce qu’on savait dila d’ailleurs — que M. Pauli était non seulement la première de nos nombreuses darnes maniant le pinceari, mais aussi une artiste qui a quelque chose à dire et qui est experte dans l’art de le bien dire. L’immense tableau tt laurier qui nous occupe ici a été acheté par l’Etat l’Exposition dont n venons de parler. A côté de ses mérites artistiques, cetteous toile a pour nous, Suédois, intérit spécial point de vue den otre histoire particulière et de celle de la civilisation. Elle représente en effet une soirée dans la famille Pauli. On s’est réuni autour de la lampe. Ellen Rte fait à haute voix la lecture d’un fragment de ses œuvres en manuscrit. On croit entendre sa vOiN si bienveillante et si sérieuse, on ressent comme l’im-pression que ce qu’elle a écrit est embrasé d’enthousiasme et empreint de justice, on soupçonne peut-ètre que son grand et unique défaut de croire trop à la bonté hunntine ne laisse pas que de s’y faire sentir… La sympathie qui rayonne des auditeurs â la lectrice tient en une large mesure du ravissement religieux. Min[ Pauli elle-méme, l’artiste si impulsive, assise par terre, prète .i présenter une objec-tion originale.est Au-dessus de sase on voit notre portraitiste le plus profond, Richard Bergh et sa femme, si droite au point de vue physique aussi bien qu’au point de vue moral. Au fond, à droite, estassis Klad Fahrens, à la fois auteur et collectionneur de Boit raffiné. Au-dessous de sa figure barbue on voit l’intelligent pédagogue Arthur Bendisson, à l’aine ardente. A Earrière-plan se dresse le maitre de la maison, Georg Pauli, profond connaisseur de l’art français et lui-même excellent peintre.Notre grand éditeur littéraire, M. Ii.-O. Roturier, mécène généreux dans les lettres comme dans les ans, se voit à côté de Bergh et, à gauche, on a au premier plan la tragédienne, M. Olga Bjeerkegren-Fahraens, entre M. Bannie d’un côte et, de l’autre, la saur de l’ar-tiste préoccupée des soins matériels à offrir â cette société d’intellectuels… M. Pauli a su faire ressortir dans ses it Amis„ l’exquise harmonie qui règne elltrt, ces esprits apparentés… 188 CARI .-G. Lueurs.