L’ART ET LES ARTISTES autres exposants espagnols ou étrangers, prétendent avoir été injustement traités par le jury et protestent surtout contre la médaille d’honneur décernée au peintre anglais Shannon au lieu du sculpteur José Clara, à qui sera offert un prix de compensation. Ils se plaignent aussi de la cam-pagne menée par certains journaux barcelonais contre l’Ex-position, et ces controverses risquent de rendre difficile d’en organiser de nouvelles dans l’avenir. Dans la liste des récompenses on relève pour l’Espagne, les prix royaux aux peintres Rusihol, Brull, Llimona et Taniburitti, 17 premières médailles, 24 secondes et 29 trOi-SièllleS; pour la France 4 premières médailles, 5 secondes et 2 troisièmes ; pour l’Allemagne 6 prennéries médailles, 7 secondes et 6 troisièmes ; pour l’Angleterre, 7 premières médailles, 11 secondes et 3 troisièmes; pour la Belgique, 5 prennéres, to secondes et 3 troisièmes ; pour l’Italie, 5 premiéres, 54 secondes et 13 trOiSiétlleS, et, Il est à remarquer que beaucoup d’exposants français étaient hors concours. HOLLANDE Comme Théophile Gautier le disait de Henri Regnault, Dupont, le si artiste graveur hollandais qui vient de mourir « a vécu assez. Il laisse trois ou quatre chefs-d’œuvre. Sa gloire est assurée Mais, si son nom illustrera ai jamais notre an moderne, pour sa famille et ses amis sa perte est irréparable. Car Dupont avait un caractére vraiment supe-rieur, et, en tout, il ne voulait que le beau et le bien. Son esprit si calme en apparence était riche d’enthousiasmes, qu’il concentrait et exprimait dans son travail, ce travail que définissait ainsi; aprés avoir été rendre visite à l’artiste lors-que celui-ci habitait Auvers-sur-Oise, M. Gilbert de Voisins, dans une lettre qu’il m’ecrivit alors : « son procédé du burin est un travail de galérien, et la lievre joyeuse qu’il met à son labeur est vraiment admirable. Doué d’une volonté tenace et réfléchie, Dupont était bien né pour le dur métier de graveur qu’il s’était choisi, après avoir été un très brillant virtuose de l’eau-forte. Cette évo-lution est curieuse. Connaissant le caractère de Dupont, voici, selon moi, ce qui l’a amené à préférer le burin à la pointe. Son esprit sérieux, analytique, déductif, avait peu à peu été pris d’une antipathie violente contre ce qu’il appelait les hasards de l’eau-forte, chose vraiment étrange, lorsque l’on connais les habiles et impressionnantes œuvres qu’il créa en un genre. Mais la précision, la réflexion, la sévérité qu’il exigeait en tout lui avait peu â peu fait préférer les traits exacts, rs, du burin, qui ne laissent rien au hasard et qui bannaisonnéissent toute improvisation par suite de la lenteur mente du procédé. En considérant certains travaux superficiels, d’une technique léchée, Dupont conçut un véritable haine, car il était absolument intransigeant en art.e Quoi qu’il en soit, c’est un fait qu’à partir du montent où il parvint à s’exprimer au moyen de son burin, il ne regarda plus ses eaux-fortes antérieures que comme des études, des préparations, qui lui servirent à chercher les lignes résumées, presque stylisées, de ses gravures. Cette réaction provenait aussi chez Dupont en partie de l’indignation que lui inspi-rait la facture de jeunes artistes actuels qui ont cru faire en Hollande de « l’impressionnisme it en s’appropriant le travail manuel des peintres de 188m sans avoir pénétré l’esprit de ces Maitres. Pieter Dupont, né en 1871, dut d’abord donner des leçons pour vivre, mais heureusement il fut bientôt nommé maitre de dessin àune école industrielle d’Amsterdam. Dés lors, il put se vouer a son travail. Il se lia avec le peintre Van der Valls, qui eue une grande influence sur sou jeune ami, et il se mit à graver à l’eau-forte des vues du vieil Amsterdam avec une rare aisance et un profond sentiment du pitto-resque. Ces remarquables estampes attirèrent immédiatement J. CAUSSE. l’attention des artistes par leurs belles qualités de mise en page, d’exécution libre et directe, aussi bien que par leur élégance personnelle de composition. Puis Dupont alla s’établir en France, é Auvers-sur-Oise. Marié, réduisant sa vie strict nécessaire, ces années furent calmes et fécondes dau e beau travail. A Paris, les che-vaux de halage l’attirèrent particulièrement, ainsi que les débardeurs des bords de la Seine. Il résulta de ces études une suite des plus intéressantes de grands dessins au crayon noir, fertnes, caractéristes, solidement composes, dessins .rehausses de pastel, d’un caractère tranché, d’une grande allure, qui servirent au jeune artiste à établir les eaux-fortes et les gravures qu’il entreprit plus tard des méntes sujets, sous les titres de série r Outillage s, a Bers de labeur a, etc. C’est alors aussi qu’il prit le burin, et ses premieres gravures sont des coups de maitre. De tout temps la gravure au burin a été principalement employée pour reproduire des oeuvres célèbres. Les anciens, excepte quelques-uns, tels que Dürer, Lucas de Leyde, Goltzitts, Visscher, etc., multipliérênt en grand nombre les sujets de tableaux connus et des portraits. Malgré tout leur art, le plus grand nombre des anciens gra-veurs firent principalement du métier; ici je ne considère nileme pas les travaux qui furent exécutés vers le milieu du ‘Me siècle, époque où ce genre tomba dans un néant, dans un bousillage stupéfiants. L’essor que prit à cette époque l’eau-forte fit trop dédaigner, pendant quelque temps, l’art de la gravure, et, dans tous les cas, la libre gravure origi-gluait, n’existait plus depuis des siècles. Puis vinrent Gail-lard, Max Klinger, d’autres encore. Participant à cette renaissance, Dupont se voue complètement, sans restriction, au burin, et un des résultats de ses superbes travaux fut qu’on lui confia ai l’Académie des Beaux-Arts d’Amsterdam l’enseignement de la gravure, et il devint L,, grâce à son savoir, son goût et la distinction de son esprit, un des plus remarquables professeurs. Dupont s’était donc consacré à l’interprétation de la tu nare par le burin, et il y réussit merveilleusement. Après ses Chevaux le labour vinrent de grandes estampes, Attelage de Bœufs, Cbevalta labourant, etc., riches compositions habi-lement équilibrées, d’une tenue décorative parfaite, très raffinée et personnelle, traitées dans les détails avec des réminiscences de l’art du mn« siècle. Et ce caractère archaïque, appliqué à des sujets interprétés d’une façon moderne, leur donne une saveur particulière et un channe précieux. Parallèlement à ces grandes estampes, Dupont lit aussi des portraits. Lorsqu’il habitait la France, il trouva un éditeur de go. en M. Sagot, qui publia ses premières planches; alors aussi, il se lia avec Steinlen, l’artiste qui comprenait et partageait sa soif de justice et d’altruisme. IS6