L’ART DÉCORATIF Phot. L’AMBASSADE DE MEHENIET—EFFENDI AUX TUILERIES (TAPISSERIE EXÉCUTÉE. AUX GOBELINS D’APRES LE CARTON DE. CH. PARROCEL) turne turc, et nous révèlent, l’un et l’autre inédits, un Liotard plus délicat, plus sensible, plus raffiné dans sa couleur. On ira vers le Parha de Frago-nard, que nous avait déjà révélé l’exposition Char-din-Fragonard; vers un magnifique portrait de femme habillée à la turque, par Aved, et dans lequel Aved se montre, lui aussi, moins sec, moins dur qu’à l’habitude; vers tant d’autres portraits, comme celui de Lekain dans le rôle d’Orosmane, et l’on se dira peut-être que tout cela n’a pasgrande relation avec l’art décoratif, qu’il côté de ces œuvres, que l’on a rassemblées pour rendre sensible en quelque façon l’atmosphère du xvin’ siècle, on vou-drait voir des meubles, des objets d’art où se mani-festât le même goût des turqueries. Or, les meubles, qui sont signalés et décrits dans les ouvrages du temps, il a été impossible de les retrouver. On n’a guère pu rassembler qu’un canapé et des petits poufs, provenant du boudoir turc de Marie-Antoi-nette et appartenant aujourd’hui à M. Georges Heine. En manière de compensation, on nous a offert l’amusante collection de poupées turques, prêtées par M » L.-E. Rigaud ; une pendule turque, des bijoux turcs, prêtés par M. Jean de Berleux; quelques rares étoffes, des éventails des collections Kees, Vanier-Chardin et Buisson ; une esquisse pour les panneaux du boudoir turc de Marie-Antoi-nette, où des sultans se plient en arabesques, où des jupes-culottes finissent en queue de poisson, enfin des porcelaines et des faïences de différentes fabriques, oit se montre également le goût contem-porain. Là, dans la céramique, il ne s’agit plus seulement d’un sujet de décor pour plaire au public, mais d’une véritable influence qui est sou-vent le signal d’une décadence. C’est le cas pour Rouen, au moment où Guillibaud cherche ses inspirations dans le décor chinois; Mennecv, Delft , Cyfflé, les Islettes, Trévise, Hochst et la Saxe s’enthousiasment pour le décor chinois, avec ses paysages, marines, fabriques, personnages, animaux fantastiques, et cet exotisme les conduit à des fautes de goût, à des erreurs d’interprétation ; leurs ornements ne sont plus que des pastiches; ils ne sont pas inspirés directement par la nature; les artistes transposent, sans bien les comprendre, des motifs qu’ils ne comprennent pas toujours, et, sans doute, leur traduction est inférieure à l’origi-nal, de même que les transpositions des Phéni-ciens sont inférieures aux créations égyptiennes. Et n’est-ce pas le danger qui menace aujourd’hui notre art? Le goût public de l’exotisme cosmopo-lite submerge le goût mesuré de nos artistes. Res-terons-nous Français après avoir été aussi passion-nément Russes? C’est l’avertissement qui se dégage de l’Exposition du Musée des Arts décoratifs. LEANDRE VAILLAT. ,79