LES ECOLES DE STOCKHOLM GUNNAR HALLSTROM — LA cétane des œuvres les plus parfaites au point de vue de l’exécution; mais les idées qui y sont exprimées, la noblesse des sentiments qui Pont inspirée, suffisent à elles seules à dépeindre l’âme suédoise. C’est La Prière au Drapeau. De bon matin, avant la marche scolaire, les élèves du lycée du Nord sont réunis, l’arme au pied, tandis qu’un des leurs, aujourd’hui le comte Rosen, présente l’éten-dard national; lui font vis-à-vis les professeurs, parents et amis qui sont venus assister à la céré-monie. Parmi eux, on reconnaît le peintre lui-même, Karl Laurin, et quelques autres personna-lités. La prairie est parsemée de pâquerettes ; la brume matinale s’évapore ; au ciel, dans les derniers nuages qui disparaissent, des tètes d’anges légèrement estompées emportant vers les régions éternelles l’âme de ceux qui sont nions pour la Patrie. Et celle-ci semble symbolisée, au premier plan, prés d’un autel fleuri, par une jeune fille au doux regard, tenant dans une main un bouquet de fleurs du pays. Enfin, tout en bas, disparaissant dans la pé-nombre de l’escalier, un des chefs-d’oeuvre du prince Eugène : Coucher de Soleil à TyresO. L’île de Tyrest2 est située à 25 kilomètres de Stockholm ; elle sert de lieu de sépulture à Gabriel Oxenstierna, l’un des fameux Suédois du xvir siècle, et de rési-dence d’été au prince Eugène. Il y a dans cette fresque des tons tellement personnels, des jeux de lumière si saisissants que l’on ne peut la contem-pler sans une grande émotion. C’est la même impression que l’on reçoit devant un autre paysage, également de Tyres6, dont le prince Eugène a orné l’hémicycle de la salle de réunion de ce lycée dont il fut l’élève, ainsi que les frères Laurin. S’il était possible d’établir une comparaison entre cette peinture et quelques tendances françaises, ou ne pourrait que reporter ses souvenirs vers certains paysages de Puvis de Chavannes dont le prince Eugène est d’ailleurs l’ami. Mais de tels rapprochements seraient inexacts. Le prince Eugène appartient à cette école moderne des peintres suédois, qui a voyagé pour étudier et admirer les œuvres étrangères, niais qui a surtout cherché son inspiration au sein même de la nature suédoise. Et comme tout à l’heure, devant les peintures de Kreiiger, c’est encore une des belles pages de Lagerloff qu’évoque en moi cette vue de Tyresé Et la plaine regarde. Elle connaît les merveil-leuses couleurs changeantes qui passent sur les montagnes. Dans la splendeur de midi, les hau-teurs d’un bleu faible et pâle reculent et se rape-tissent à l’horizon; mais dans l’aurore et au soleil couchant, elles s’érigent, de toute leur stature, et se colorent d’un bleu pareil à celui du firmament. Parfois il y tombe une lumière si crue qu’elles deviennent toutes vertes et d’un bleu noir, et que chaque sapin, chaque sentier, chaque crevasse, se distingue à des lieues de distance. II arrive aussi que les montagnes se rangent et laissent la plaine approcher du lac… » Voilà un certain nombre des oeuvres qui ornent les écoles de la ville de Stockholm. Nous avons cité quelques lignes »le Selma Lagerlotf. C’est que l’art à l’école, l’art dans son acception générale, n’est pas seulement contenu, en Suède, dans les reproductions pictoriales ou sculptoriales il se manifeste, avec une intensité égale, dans les légendes, clans les é saga » qui font un peu partie, elles aussi, de cette âme suédoise si simple, si sincère, si pleine de poésie. Il faut aller tout en haut, dans le Nord, pour trouver encore cette fraîcheur de sentiments, cette pureté d’ex-pression qui nous ravissent lorsque nous nous mêlons à la vie du peuple scandinave. Oui, mieux que tout autre, l’écolier suédois est à même de comprendre les oeuvres d’art que l’on place dans son école, car le culte de la tradition a conservé en lui l’amour de son pays, de ses légendes et de ses mythes, de ses montagnes et de ses lacs, de toute cette nature, sévère et rude par-fois, mais si pittoresque et si grandiose. Et comme ces sentiments sont joliment expri-E75