L’ART ET LES ARTISTES maître. Il y a ainsi comme du temps perdu et qui échappe à toute explication sensée. Bien d’autres, d’ailleurs, seraient probablement étonnés, à com-mencer par le père Cavelier, s’il revenait en ce monde! Et l’abbé Brisacier, si mauvais prophète?… J’ai interrogé à ce sujet Desbois lui-même; il ne m’en a point donné, lui non plus, une explication bien satisfaisante; — et c’est parce qu’il n’y en a pas: il est inutile de la chercher. On travaille, on tâtonne, on a l’air de s’égarer, de ne pas savoir ; puis, un beau matin, on est dans le champ favo-rable: il n’y a plus qu’à préparer la moisson. Cela a été toute l’affaire de Desbois. Solitaire, peu causeur, ignorant le monde et trop indépen-dant pour se faire voir — comme tant d’autres !— dans les antichambres ministérielles, il a toujours cru que son atelier était, dès l’aube, l’unique retraite pour son bonheur; et il y a travaillé sans cesse,avec une conscience réfléchie,tenace,comme jusqu’à copier durant trois années le fantastique modèle qu’il avait trc?uvé pour la figure de la Mort (La Mort es le eicheron)et qu’il retint ensuite pour sa statue de la Misère. Aujourd’hui, Desbois partage avec Rodin, Bartholorné et Carabin les échos des éclatantes Renommées. Ces quatre maîtres ne font pas partie — est-il besoin de le dire ? — de l’Institut. Ils représentent tout simplement toute l’admi-rable statuaire de notre temps. GUSTAVE COQUIOT