L’ART ET LES AltTISTES LA SALLE A ,,AN,F1,, LE ar FUL•l• surveillait les filets saignants tournant sur la broche à crémaillère, et les légumes dansant leur ronde dans la marmite rouge pendue au croc de fer de la cheminée. Et tout cela. patiné par le temps. poli. usé et curieux, pittoresque, placé commodé-ment. entre le plafond sabré d’énormes poutres oit l’on pendait les jambons et les vessies suin-tantes de lard. et le sol couvert d’un grand dallage à damiers rouge et blanc. Tout peut être imaginé dans ce petit domaine et sous le bonnet rond passementé de lainages rouges, les cheveux tirés et ourlés sur l’oreille. j’ai vu la servante attentive aux rôts parfumés. De temps en temps elle entrouvrait le rideau sur l’étroite verrière de la fenêtre et regardait la rue où devisaient les com-mères au seuil des maisons. Au premier étage également. deux chambres contiguës ont conservé leur aspect familier du le salon et la salle à manger. Dürer eut le soin de les arranger à son goùt. Elle sont restées ainsi. Les conservateurs et restaurateurs pieux ont su respec-ter la vie qui s’y révélait aux moindres détails. D’après les dessins du maitre, le plafond est paré d’une figure sculptée d’amour en arrêt dardant sa flèche et les ailes ouvertes. l’effet est au moins inattendu. Dans un coin. le poele de faïence verte et violacée. le bahut aux sculptures exécutées sur les conseils du graveur. les candélabres en cuivre, le petit collret à pinceaux. la théière d’étain, le pot à lait en faïence blanche et bleue, et près du pla-fond, la minuscule pendulette à poids. simple et sans ornements. Les fenêtres prennent jour, ainsi que celles de la salle à manger. sur la rue. Dans le mur de gauche le coffre-fort de bois aux grandes ferrures, la caisse à médecine, la glace sphérique d’argent poli, et tout près, le grand rasoir et l’énorme blaireau dont se servait Dürer. Ces objets familiers ont ici leur place. car la pièce est chaude. comme ouatée de douceur. Le maitre v vivait aux heures libres de travail. Des bancs de bois, des coussins de cuir fauve et le fauteuil faisaient partie de la vieille demeure, ainsi que le buffet pris dans l’épaisseur des murs et contenant les grands gobelets de verre fin. que Dürer tenait haut en main, en bon Ntirenbergeois qu’il était. Cri portrait de son ami Elieronymus Andreas I lolzschuler, m’arrête un instant de son regard qui veut être terrible alors qu’il est seule-ment lumineux. au seuil de la salle à manger. Des bancs courent au ras des fenêtres tout le long des murs et çà et là les mêmes coussins de cuir que s’amusa à peinturlurer le graveur. Au centre de la pièce la table étroite, petite, carrée, épaisse sur ses pieds bas ouvragés, attend le convive gourmand. et 172